J’étais au téléphone avec ma mère quand la gynéco a appelé. « Mam, je te rappelle après, c’est la gynéco qui m’appelle, j’imagine qu’elle veut m’informer que tout va bien. J’te rappelle dans 2 minutes. »
- Bonjour Delphine, c’est le docteur L.
- Dis donc, ça fait longtemps, comment allez-vous, ça me fait hyper plaisir de vous entendre, faut absolument que je reprenne rendez-vous !
- Moi, ça va bien mais j’ai malheureusement une nouvelle que j’aurais aimé ne pas vous annoncer.
Silence.
- Qu’est-ce qui se passe ?
- La biopsie indique que vous avez des cellules cancéreuses et il faudrait continuer les examens.
Silence.
Je pose des questions et je reçois des réponses un peu floues. Je ne m’en souviens même plus. C’était vraiment flou. Rien n’était clair. Elle me demande si elle peut appeler Ottignies pour faire une IRM. Je lui demande si Ottignies est à la pointe. Elle me dit que oui. Je lui donne le feu vert.
Je rappelle encore 2 fois car j’avais des questions. La secrétaire me dit de venir à 13 heures pendant la pause du médecin. Je me dis que c’est quand même mieux de rencontrer le médecin et lui poser les questions en face à face.
Entretemps, j’appelle ma copine Fanny qui est passée par là et dont je me suis très fort rapprochée. Elle a suivi mon blog de nutri de très près et m’a toujours énormément encouragée. On se connait peu mais on est très proches. Je l’ai rencontrée il y a deux ans. Fanny travaillait pour Metagenics. Elle est venue me présenter les produits pour mes patients. Le courant est passé tout de suite.
J’ai rappelé Fanny quelques mois après sa visite et elle m’a annoncé son cancer. Le choc, un terrible choc. Nous sommes restées en contact. Je me souviens de manière précise qu’elle me disait si souvent « Delphine, prends soin de toi. Je te vois bosser comme une dingue et courir partout. J’étais la même que toi. Prends soin de toi. »
Je n’avais pas du tout l’impression que je ne prenais pas soin de moi. J’avais le métier de mes rêves, tout allait bien. Effectivement, j’avais du stress, mais beaucoup de positif qui me faisait avancer comme un bulldozer. Je ne sais pas si je dois vous avouer ça mais je me sentais invincible, c’est super bizarre. Rien ne pouvait m’arriver.
Fanny m’explique tout, Fanny me rassure, Fanny se rend disponible, Fanny est extraordinaire. Fanny était en route vers son PET Scan. Je lui dis que j’allais voir le médecin a 13 heures.
« Rappelle-moi quand tu rentres de chez le médecin. »
« Merci de tout cœur Fanny. Et toi, envoie-moi des nouvelles de ton PET Scan. »
Nous voilà servies toutes les deux.
Je suis en déni complet. Moi ? Un cancer ? Mais non !
Je mangeais avec Cath, Laeti et Astrid ce soir-là. « J’y vais, j’y vais pas, je dis, je dis pas. Je sais pas ».
Je rappelle ma mère et lui dit que la boule est cancéreuse. Choc. Elle me rappelle quelques fois et je la rappelle quelques fois. Elle avait des renseignements et moi, j’en avais aussi. On était dans l’action.
“Je dis à Ludmilla ou je dis pas ? J’ai pas envie de saouler les gens.” Je regarde mon téléphone et je ne sais pas quoi faire. J’attends encore une heure. Je ne me souviens même plus ce que j’ai fait. Je crois que j’ai continué à bosser sur mon Happy Spoon program. Je ne sais plus.
A 12.30, direction Chaumont-Gistoux pour voir le docteur L. Je pose plein de questions mais je n’ai pas de réponses précises. Tout est flou, ce qui m’empêche de réaliser l’impact de la nouvelle.
Sur mon papier, il était écrit ceci.

Les petits gribouillis, c’est à mon avis la gynéco qui était un peu nerveuse…
Je ne suis pas idiote, je sais bien que c’est stade 1, puis stade 2, puis stade 3. Ça m’étonnerait que ça commence par 3, puis 2, puis 1. KI-67 : 60%. Si Fanny ne m’avait pas expliqué avant de partir chez le docteur L., je n’aurais pas pu lui poser les bonnes questions. C’est la vitesse de prolifération des cellules. J’avais tout de même été jeter un coup d’œil sur internet. 10 pourcent est considéré comme élevé. Merde, j’ai 60 pourcent. Ça n’a pas l’air bon du tout.
En rentrant à Bruxelles, je me dis quand même que c’est pas cool pour celui qui doit annoncer que c’est un cancer parce que jusqu’à présent, personne ne me l’a dit. La nana au labo, le docteur L. Ils se débinent tous ou quoi ? Ils refourguent la responsabilité à la sénologue, au chir ou à l’oncologue ? Je me demande franchement. Je me demande aussi si c’est toujours comme ça, personne ne veut dire jusqu’à ce qu’il faille vraiment le dire. Pas encore entendu le mot cancer mais je ne suis pas dupe.
J’ai une envie forte d’appeler les copines proches. J’ai passé la journée au téléphone, ça m’a permis de faire passer le temps. A ce stade-ci, je n’y croyais pas encore. Re-coup de téléphone de Fanny. Heureusement qu’elle a accepté d’être cash et me dire que mes chiffres n’étaient pas bons. Merci Fanny parce que jusqu’à présent, personne ne me dit rien. Fanny était la courageuse dans l’histoire.
Le soir, je me suis choppée un trois tonnes dans la gueule. La réalité a frappé. C’est donc bien vrai. Je pleure, je pleure, je hurle, je suis révoltée.
Je n’arrive pas à m’endormir, je prends un cachet, je ne veux plus penser et être demain. Demain ça ira beaucoup mieux.