En avant go, direction Ottignies

En avant go, direction Ottignies

Ma gynéco m’a envoyée à l’hôpital Saint-Pierre d’Ottignies. Alors là, j’avoue que ce fut la grosse question. Est-ce qu’ils sont à la pointe ? Est-ce que quand on a un cancer, on doit de toute façon aller à Bordet ? J’entends des tonnes de points de vue et je suis paumée.

Heureusement, maman met de l’ordre dans tout ça. Elle contacte une copine à qui il manque les petits soldats qui combattent le cancer et qui passe énormément de temps à Bordet. Elle pose plein de questions sur Ottignies, elle parle même à des médecins et elle me donne le feu vert. Je peux rester à Ottignies, ils sont nickel ! Par contre, entretemps j’ai pris une décision. Si je dois faire de la chimio, je demanderai un second avis à Bordet. J’ai entendu tellement d’histoires d’avis divergents entre hôpitaux que je demanderai un deuxième avis. Et même si je ne dois pas faire de chimio, je demanderai à Bordet s’ils sont d’accord. Bon ça, c’est under control.

Je laisse vite un message à Vanessa, ma chère et tendre cousine, qui est passée par là il y a quelques années. J’ai besoin que quelqu’un qui « sait » m’explique. Elle rappelle tout de suite. Je suis ravie de l’entendre. Ce fut court car on devait foncer à Ottignies.

Didier vient avec moi. C’est quand même plus facile d’aller à Ottignies qu’à Bordet en venant de Hoeilaart, je trouve que c’est un bon point. Diane et Paul me disent que c’est important aussi de considérer les aspects pratiques.

Dis-donc, quel bâtiment vieillot, je préfère Delta. Pas grave.

Le reste de la journée fut un cauchemar. J’aurais préféré skipper ce blog mais je veux donner de l’espoir aux femmes qui passeront par là.

Je suis accueillie par un infirmier marseillais super sympa et me voilà trimballée entre toutes les machines, IRM, écho, mammo, re-écho, re-mammo. Je les connais toutes, je pourrais faire un album photos de 100 pages de tous mes clichés. C’est parti. On me fait une perf et hop, en avant dans la machine. Je suis sur le ventre et je dois mettre mes deux seins dans des trous, on m’installe un gros casque sur la tête, genre “Boze” de compète et on m’accroche les bras le long du corps.

Merde, j’ai une gratouille dans le nez. Classique.
« Il va falloir me détacher car j’ai une gratouille dans le nez et je dois absolument me gratter. Qu’est-ce que je fais si ça recommence quand je suis dans la machine ? »
« On va espérer que non parce que vous ne pouvez pas vous gratter. Vous avez une poire dans la main que vous pouvez écrabouiller s’il y a un problème. On va vous injecter un liquide dans le bras, vous sentirez un liquide froid. C’est ce liquide qui permet d’analyser les clichés. »

C’est parti. Un potin d’enfer. Je suis pas si mal installée mais j’aurais préféré être sur le dos car j’ai le thorax un peu écrasé. Pas grave. On ne me dit que ça dure 20 minutes.
10 minutes après, je constate que j’ai un cheveu dans la bouche qui m’embête hyper fort et je ne fais que penser à ça. C’est con hein, mais je suis sûre que si vous avez un cheveu dans la bouche, vous l’enlevez tout de suite, hein ? Moi, je pouvais pas. J’ai fait un petit exercice mental, je me suis dit que j’allais beaucoup en faire les jours qui suivent.
« Delph, focalise-toi sur autre chose. Tu gères. Ce cheveu c’est pas grave. Essaie de faire pffff pour t’en dégager mais ne bouge pas d’un poil. S’il ne part pas, tu gères ! »

J’ai pensé à autre chose et je me suis dit que mon mental avait été trop fort. Je sais dès à présent que je pourrai toujours focaliser sur autre chose. Je me rhabille dans la petite cabine et une radiologue me dit
« On ne voit pas grand-chose et en plus on voit des calcifications à l’autre sein. Je propose qu’on fasse des ponctions à l’autre sein. J’ai un rendez-vous dans trois semaines. »
« Dites, on est entre deux portes (on était vraiment entre deux portes dans cette toute petite cabine). Y aurait-il moyen de discuter dans une petite salle parce que là, je ne comprends vraiment rien. J’ai un cancer du sein et on me parle entre deux portes, je suis juste un petit peu étonnée…”

Il n’est pas un instant question que j’attende trois semaines pour une autre ponction. Putain, ils ont lu le diagnostic ou quoi ? Carcinome invasif de grade 3 avec un KI-67 de 60%. Il est plutôt full power, je suis décidée, je n’attendrai pas 3 semaines.

Me voilà rebelote dans la salle d’attente, furibonde. Je dis à Didier “si c’est comme ça que je vais être traitée, je me barre avec mon dossier sous le bras, c’est inadmissible. On se casse.”
“Delphine, essaie de te calmer.”

5 minutes après, la radiologue que je nommerai Docteur “A la bourre”** revient et me balance toutes sortes d’infos contradictoires horribles. Je comprends que dalle.

  • Votre cancer est invasif donc il y aura peut-être de la chimio avant l’opération.
  • Si le ganglion sentinelle n’est pas touché, il n’y aura peut-être pas de chimio (ça se contredit déjà avec la première info).
  • Y le mammaprint pour savoir s’il faut faire de la chimio mais ça coute super cher et c’est pas remboursé. 3,000 euros (l’état de mon portefeuille n’est pas votre problème).

Et ce fut comme ça pendant 5 minutes, une cascade d’infos où je ne retenais que le pire. Mon verre est toujours à moitié plein, mais pas ce jour-là. 

Elle me dit alors qu’elle a trouvé un rendez-vous le lendemain pour ponctionner l’autre sein (celui qui n’est pas malade, enfin je ne le savais pas encore…) et qu’on allait faire plus de ponctions aujourd’hui dans le sein malade.

Avant d’attaquer, on passe dans la salle avec tous les ordis et mon sein est sur tous les écrans. Dingue ! Elle m’explique, on regarde, je vois une masse et plein de petites calcifications qui me font penser à un ciel étoilé. Je ne comprends pas grand-chose car apparemment pour les médecins, c’est pas si clair non plus. C’est là que je me dis que la médecine, ça reste des hommes qui interprètent et pas des machines sûres à 100 pourcent. Je pensais que c’était blanc ou noir en cas de cancer, malheureusement non. C’est un peu mal barré.

En avant go, c’est reparti. Elle sort sa seringue et on attaque les ponctions. Didier ferme les yeux car il déteste les aiguilles. Je me dis que ce serait le pompon s’il s’évanouissait. Perso, rien ne me fait mal. Je crois que je dois avoir un seuil de douleur de 10 sur l’échelle de 1 à 10. Et comme j’adore le milieu médical, tout me fascine. Je suis plus intéressée par ce que le laborantin va faire de ces petites « carottes » qu’on m’enlève que préoccupée par les ponctions.

Chouette, Docteur “A la bourre”** devient plus dispo, mais je ne comprends toujours rien. Didier, lui, il fait signe qu’il comprend tout très bien. Mais c’est du grand n’importe quoi car y avait pas moyen de comprendre quoi que ce soit avec toutes les infos contradictoires.

On reprend la voiture et on rentre. On décide de ne rien dire aux kids. J’ai le sein plein de trous et ça tire un peu mais c’est pas grave.

Je décide de rappeler Vanessa. J’étais au bonheur de pouvoir lui parler, elle m’explique un tas de choses bien utiles sur la maladie, de la chimio à l’opération, en passant par le maquillage des sourcils et l’importance d’aller au rendez-vous avec son mari. Elle me pose des questions par rapport à ma journée et je réalise que je ne sais répondre à rien. Elle constate aussi que toutes les infos sont complètement contradictoires et me dit :
« Delphine, on va raccrocher et je te demande d’appeler une des deux infirmières. Elles sont extraordinaires et elles répondront à toutes tes questions. Je suis désolée qu’ils t’aient reçue comme ça pour ton premier rendez-vous. »
« Merci Vanessa, je fais ça tout de suite. »

L’infirmière est adorable. C’est un peu comme une G.O. et une secrétaire personnelle. Elle se charge que tous les rendez-vous soient groupés, elle répond à toutes les questions, elle m’accueille quand j’arrive. Elle est juste extraordinaire. Elles sont deux, toutes les deux aussi formidables.

Elle répond à toutes mes questions en me donnant des dates précises, je me sens beaucoup plus rassurée et elle me dit que demain, j’aurai plus d’infos quant à la suite. Vanessa m’a dit que la radiologue que je vois le lendemain est extraordinaire. Je dis quand même à l’infirmière que j’ai l’impression d’avoir dérangé Docteur “A la bourre” et que je préférerais changer de médecin.

J’arrête ce poste ici car c’était pas une bonne journée. Passez vite au poste suivant ! En avant direction Ottignies, 2ème jour, enfin le bon !

Ah oui, j’oublie de vous dire que je suis allée à la cafète de l’hôpital, je voulais prendre un café, je suis sortie direct. C’est un vrai mouroir surchauffé où tout le monde tire la gueule, l’horreur. Et en plus, ils passaient la musique de Philadelphia. La scène juste quand on voit Tom Hanks qui meurt du sida. Ils sont cons ou quoi ? Je me demande quand même si je ne vais pas leur dire quelque chose à ce sujet parce que plein de gens ont vu le film et c’est une musique qu’on n’oublie jamais tant la scène est triste. Et puis, même si on n’a pas de cancer, cette musique fout le cafard. J’ai skippé le café. 

** Je rajoute un petit mot important à propos de cette journée. Plus tard j’ai pardonné (dans ma tête) à Docteur “A la bourre”. Elle était débordée, elle avait un agenda plus que full et s’est retrouvée avec moi car ma gynéco avait demandé que la clinique du sein me reçoive aujourd’hui, elle courait entre je ne sais pas combien de cabines. J’imagine qu’elle devait être terriblement frustrée de ne pas pouvoir passer plus de temps avec moi et que, comme moi, elle n’a pas apprécié sa journée. Il y a toujours de circonstances atténuantes, et c’est important de se le dire et redire quand on passe du temps à l’hôpital, mais c’était quand même très dur comme première journée. 

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