J’ai accompagné les invités à leur voiture avec un grand sourire. « Tout va bien aller », « Je me sens forte », « Si je reste un soir de plus à l’hôpital, ce serait sympa que vous veniez dîner avec moi et qu’on se prenne un petit champ’ ».
Je ne sais pas si tout va bien aller, je ne me sens pas forte ce soir-là mais accablée par la peur. Ils ont à peine franchi le portail que je me suis écroulée dans le parking devant la maison. Des sanglots immenses. Un sentiment d’impuissance. J’ai pourtant passé une soirée formidable. A l’abri des maris, j’ai pu dire à Clo et Sarah que pour la première fois, mes pensées avaient frôlé l’idée de la mort.
Un cancer du sein n’est pas un « petit » cancer. Il n’y a pas de « petits » cancers. Je vous entends tous, vous me dites tous que ça se soigne magnifiquement bien, mais il n’empêche que j’ai peur. Je cherche partout sur internet un article, un site, une source qui dit : pronostic 100% mais je ne trouve pas. C’est ridicule de faire des plans sur la comète mais ce soir, je ne peux pas m’empêcher.
J’envoie un petit message à Ludmilla :
« Je déteste ce cancer, je le hais, je le sens grandir, je veux l’arracher de ma poitrine mais je ne peux rien faire d’autre qu’attendre, je veux que vendredi soit demain matin mais je ne peux pas avancer le temps. »
Ludmilla me dit que je dois passer par là. Colère. Acceptation. Résilience. Que me permet cette colère ? Quelle énergie positive puis-je en retirer. J’arrive pas à répondre. Je constate que depuis l’annonce du diagnostic il y a 4 jours, j’ai dans l’ensemble skippé la phase colère. Eh bien voilà, elle me frappe en pleine figure.
Je me blottis dans mon lit, je me fais toute petite et les larmes coulent. J’entends Didier qui range toute la cuisine. Il nous avait préparé un délicieux gigot d’agneau et comme d’habitude, il s’est occupé de tout. Quelle chance j’ai de l’avoir, je ne sais pas ce que je ferais sans lui. J’attends qu’il monte, j’ai besoin qu’il me prenne dans ses bras et me dise qu’il comprend ma colère.
Je hais ce cancer. Je vous en supplie, arrachez-moi ce sein.