Journée de merde

Journée de merde

 

Elle a mal commencé, je me suis réveillée crevée. Faut dire que la veille, c’était la pêche, nous avions eu une super soirée chez nos voisins arrosée d’un bon petit verre de rosé (mince à la fin…). J’étais même surprise d’avoir un si bon moral malgré les circonstances et je me disais que si tous les jours ressemblaient à celui-là, il n’y avait aucun doute, j’allais gérer à fond. J’en venais à me dire qu’un cancer, c’était pas si grave.

Aujourd’hui, c’était tout à fait diffèrent. Je vais associer le cancer a une montagne russe, l’image sera plus facile pour vous ! C’est fou, ça monte et ça descend. Jusqu’à présent, ça avait beaucoup monté et maintenant, je peux vous dire que ça descend. Et à la verticale. Ça fait les mêmes sensations, ça donne envie de gerber.

Comme je disais, je me suis réveillée fatiguée. Ça ne m’arrive JAMAIS sauf quand on rentre d’un diner bien arrosé. Ce n’était pas le cas. Il est 6 heures du mat, Did dort encore, je descends, je me force à avaler quelques cuillères de yaourt super gras et j’avale un café. Je sens que tout remonte, je m’allonge dans le salon TV sous une énorme couverture toute fluffy.

J’entends Didier qui se réveille mais je n’ai pas le courage de le rejoindre. Quasi tous les matins, après avoir pris mon café et mon petit dej pendant que tout le monde dort encore (plus de détails sur le rituel de la dalle chaude dans le blog “Je déteste les matins“), je remonte rejoindre Didier qui prend son bain. Je m’installe à terre avec mon deuxième mug de café et on papote. C’est notre petit meeting journalier où on fait le point des détails pratiques, des agendas, mais aussi des rêves, des envies, des angoisses et des doutes. Et évidemment, les kids sont toujours le sujets à l’honneur.

Ce matin, je suis montée mais je tirais la gueule. J’ai demandé à Didier de m’accompagner le lendemain au scan poumon/foie et tout ce qui se trouve à côté.
« Je peux pas, j’ai un contrôle fiscal. »
J’avoue que c’était un peu short notice. Et c’est vrai aussi que j’aurais pu afficher dans la cuisine l’agenda charge de la semaine à Saint-Pierre.

J’étais super triste. Vanessa m’avait dit la veille que je devais beaucoup plus exprimer ce dont j’avais besoin. Je commençais à sérieusement avoir besoin de la présence de mon mari. Je ne lui avais pas demandé de m’accompagner à tous les rendez-vous qui ont suivi le premier parce que je gérais et ça allait très bien… et je ne voulais pas non plus le saouler à faire des aller-retour avec Saint-Pierre. Ce matin, je n’arrivais plus à gérer.

Je suis redescendue avant lui et me suis remise sous ma grosse couverture, j’étais triste et fatiguée. Je savais que c’était impossible pour lui d’annuler un contrôle fiscal en dernière minute. Je lui ai demandé de prendre son assiette et venir manger près de moi. Quand tout le monde a quitté la maison, j’ai checké mes messages. Je n’avais plus la force de répondre, j’avais perdu l’humour des autres jours.

J’avais au programme :

  • Un coaching de 30 minutes en « eating psychology » avec une cliente en Thaïlande
  • Un appel avec Véro
  • Une navette de golf de 30 minutes pour Willy
  • Un appel de 30 minutes avec Houston pour la conférence que je donne en septembre
  • Un rendez-vous chez l’homéopathe à 18 heures

Un programme tout à fait gérable en temps normal avec plein de plages libres entre les calls pour avancer sur d’autres choses, faire quelques photos food ou prendre le temps de déjeuner à mon aise.

Aujourd’hui, le programme me paraissait insurmontable. Qu’est-ce que je pourrais annuler pour alléger ?

Le coaching s’est avéré aussi thérapeutique pour la cliente que pour moi. Le bonheur. Depuis quelques jours, une question ne me quitte pas.
« Serais-je encore crédible comme nutrithérapeute ? Je mange hyper sainement, je suis nutrithérapeute et j’attrape un cancer. Vont-ils encore croire mes conseils nutri ? »

Je suis perdue, je ne sais pas quoi penser. A vrai dire, je ne comprends mêmes pas si ce que je pense à du sens. J’en parle avec l’homéopathe et elle me dit :
« Madame Remy, c’est très important de manger sainement mais ce n’est pas parce qu’on mange sainement qu’on n’attrape pas de cancer. » Tout se mélange dans ma tête. Mais une chose est sure, dès que j’y vois plus clair, j’écris un blog sur ce sujet.

« Ce n’est pas parce qu’on mange sainement qu’on n’attrape pas de cancer ? » Ça fout les boules quand on y pense. Ceci dit, cette phrase me rassure quant à mes qualités de coach, c’est pas parce que j’ai un cancer que je suis une mauvaise thérapeute. Même si c’est hyper logique pour Didier et ceux qui m’entourent, c’est le bordel dans ma tête !

Heureusement que Didier m’arrête dans ma cascade de pensées insensées à ce sujet. Merci Didier.
« Mais Delphine, d’où tu sors ? Avec quoi tu viens ? Ça n’a rien à voir ! Tu mélanges tout ! Est-ce que David Servan-Schreiber n’est pas crédible car il est mort de son cancer ? »

Pour ceux qui ne le connaissent pas, David Servan-Schreiber a écrit des livres extraordinaires, notamment Anticancer. Je vous invite tous à le lire ainsi que Guérir.

L’homéopathe dont je parle plus haut, c’est Jenny, une amie lutin que je ne pense pas avoir revue depuis lors, qui me l’a conseillée. J’ai suivi de loin en loin les périples de Jenny, elle était expat comme nous. Elle est adorable. Elle me conseille de prendre contact avec Docteur J qui me reçoit dans les 24 heures. Elle voulait absolument me voir avant mon opération. J’ai été très touchée par sa gentillesse. Le père de docteur J était l’homéopathe de ma mère à l’époque, le monde est petit. Homéopathe de père en fils, elle ne peut être qu’excellente.

Je fais un topo de mon histoire médical pendant 30 minutes et je mélange les dates sans arrêt. Mince alors, je suis un peu confuse et je me demande si en me trompant de 2-3 ans, ça va changer le traitement. Après on passe aux questions sur ma personnalité. Je ne bronche pas, je me demande pas pourquoi, je réponds et je trouve ça plutôt amusant. Pour la première fois, je ne demande pas pourquoi. Je réponds.
« Est-ce que vous êtes têtue ? Est-ce que vous aimez le sucre, le salé, le vinaigre, le piquant ? Est-ce que vous gardez vos émotions ? Quel est le trait de caractère qui vous décrit le mieux ? »

La montage russe a un peu monté. Ça va mieux. 

La dernière fois que je suis allée voir un homéopathe, c’était il y a 17 ans. Docteur V a fait des miracles pour moi car je n’arrivais pas à tomber enceinte. J’avais tout essayé en médecine classique mais rien ne fonctionnait. J’ai donc fait appel à Docteur V et je suis tombée enceinte 2 mois plus tard. Cette dernière phrase peut prêter à confusion… mon mari est le père de William, pas docteur V. mais c’est lui qui m’a prescrit tout un traitement homéopathique contre l’infertilité.

Le soir après le diner, je m’installe à l’ordi pour chercher quelques photos pour mes blogs. Ce n’est pas aussi facile que pour mon blog de nutrition ou de photos ou de psycho, car les sujets sont plutôt abstraits. Je décidé de chercher sur mon téléphone. J’ai toutes mes photos depuis 2000 grâce au Cloud ! Je scroll et je scroll et je me surprends à passer 20 minutes à scroller en ayant complètement oublié que je cherchais des photos pour mon blog.

Et là, c’est la chute libre, la montagne russe qui descend à la verticale. Les larmes me montent et les pleurs sont incontrôlables.

Toutes ces photos représentent les années de bonheur et d’insouciance, ce ne sera plus jamais pareil, plus jamais. Il y aura à tout jamais les belles années avant cancer. Et les années après cancer.

Ce soir-là, je ne pouvais pas imaginer une seule seconde qu’il y aurait certainement de magnifiques années devant moi. Plus belles encore où j’apprécierai encore plus les petits et grands bonheurs de la vie, où je me sentirai encore plus en vie. C’est pas moi qui le dit, ce sont toutes celles qui sont passées par là qui me le confirment. Je décidé de leur faire confiance.

J’ai tellement pleuré que je m’endors en deux secondes.

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