Hier, j’avais rendez-vous avec Docteur Derek. Comme le rendez-vous du diagnostic post-op d’il y a 10 jours s’était terminé en queue de poisson, j’étais sortie de là complètement paf et cassée. Tout avait été si vite, c’est comme si tout le monde parlait en « fast forward », juste des sons qui ne formaient pas des phrases. Quel mauvais souvenir, il fallait absolument que je change le mauvais en bon pour éviter que ça me suive pendant les mois à venir.
Je n’avais entendu que
– Marges de sécurité pas saines
– On doit faire une reprise chirurgicale. Très joli mot pour une mastectomie, mais franchement appelons un chat un chat
– Chimio et rayons, on sait pas encore, on va faire l’Oncotype
– Plus de peau ni de mamelon
– Si rayons, le reconstruction sera reportée à perpète
– Ganglions pas touchés (ça, c’était une bonne nouvelle)
Même pas entendu
– Pronostic vital pas engagé, Didier a dû me mettre cette phrase dans la cabeza
Franchement, comme je l’écrivais dans mon blog “J’ai rêvé quand j’avais dans le ventre un serpent qui avait avalé un chat”, je suis sortie de là trois fois plus assommée qu’après l’annonce du cancer. Non pas parce que je me disais que la route allait être très très longue mais parce que je n’avais pas posé toutes mes questions et que ce rendez-vous avait pris une tournure terriblement masculine que j’ai détestée. Pourtant on était plus de femmes mais les 2 hommes ont pris le dessus. Y avait un duo entre Didier et Docteur Derek, c’est comme si je n’existais pas. Comme vous pouvez l’imaginer, c’est une question de perception.
En tout cas, en sortant de là, j’avais décidé que je ne retournerais plus avec Didier voir Docteur Derek. Je veux donner à ces consults un côté très féminin et pouvoir ajouter tout l’émotionnel et arrêter d’être juste factuel parce qu’un cancer, même si c’est hyper matheux (Le cancer, c’est un peu comme un examen de “stat et proba” à l’IAG), c’est avant tout des émotions, du ressenti, du vécu et je peux vous dire, pas des moindres. Comme vous avez pu le lire dans mes blogs, c’est très intense avec beaucoup de bas au début et puis ça s’améliore vachement au cours du temps, et ça devient très positif et riche avec des gros coups de mou quand je dois me rendre à Saint-Pierre pour les diagnostics post-op ou les opérations.
Je ne vous cache pas que j’anticipe ce moment d’extrême solitude et de désarroi dans cette petite salle avant de me faire opérer (Le Jour J ou Opération numéro 1). Cette petite salle est horrible et je pense que je vais en parler avec Docteur Derek. Le vieux monsieur et le petit enfant avec des jambes suspendues en l’air avaient l’air de vivre la même chose que moi donc je suis sûre qu’il y a moyen de faire quelque chose pour améliorer l’ambiance sordide qui nous plombe avant de passer sur le billard. Il devrait y avoir des bénévoles qui viennent nous tenir la main, même sans parler, juste tenir la main pour nous réchauffer le cœur. Je pense que j’aurai besoin de cette main réconfortante avant la mastectomie. Sentir que je n’ai plus qu’un sein risque d’être épouvantable, seule dans cette salle de réveil qui est aussi cafardeuse que la salle où on attend de se faire opérer. Le bloc opératoire qui me fascinait tant est un lieu d’extrême solitude que les médecins ne comprennent peut-être pas. Les larmes me montent aux yeux quand je l’écris.
Mais si vous remontez quelques phrases plus haut, j’ai écrit « très positif et riche ». Comment peut-elle dire que son cancer est positif et riche ? Elle est folle ou quoi ? Elle est atteinte d’une maladie grave… Quand les merdes qui nous arrivent dans la vie sont des opportunités d’apprendre, de grandir, de rebondir, d’évoluer et de s’enrichir personnellement, c’est magique. Ça fait un peu cliché, on voit ça partout à tel point que certaines citations font cul-cul la praline, mais c’est vraiment vrai. Je suis sûre que vous pouvez TOUS, sans exception, me citer un exemple d’un événement dont vous vous seriez bien passé qui vous a fait « grandir ». Je vous demande juste d’y réfléchir. Alors, ce n’était peut-être pas un cancer, mais c’est la même idée. Un cancer, c’est 100 fois mieux et beaucoup plus efficace qu’un stage de deux semaines de développement personnel.
Je vis des moments magnifiques et intenses, je reconnecte avec des personnes extraordinaires que je n’avais plus vues depuis 20 ans, 30 ans, et j’apprécie chaque instant, chaque minute alors qu’il y a peu je vivais encore à du 2000 à l’heure. Ce n’était pas négatif pour autant mais je savoure une vie « autrement » où je me sens plus alignée, calme et paisible. Mon motto a toujours été « Just do it » et grâce à ça, j’ai fait un paquet de choses dont je suis très fière mais je m’éloignais par moments de « l’être ». Je ne regrette absolument rien, j’adorais ma vie mais je découvre autre chose, encore plus extraordinaire. Bon, on ne change pas complètement. Je suis et resterai dans l’action avec mon blog, mes projets de livre, mes escapades américaines, mes consults que je compte reprendre dès que je suis requinquée, mais je me ménage beaucoup plus de plages « d’être » et je compte continuer de la sorte. Ce blog et l’écriture offrent les deux, « le faire et l’être » et ça, c’est formidable.
Les périodes entre les opérations et les diagnostics post-op ou rdv avec l’onco sont FANTASTIQUES. Ce sont des moments où aucune mauvaise nouvelle n’est attendue, ce sont des jours où la seule chose à faire est de profiter. Beaucoup me disent « Mais comment t’arrives à profiter alors que t’attends de savoir si tu vas faire de la chimio ou pas, des rayons ou pas, perdre tes cheveux ou pas, avoir la gerbite aiguë pendant 6 mois ou pas. Comment tu dis que c’est une période formidable, ta vie risque de prendre un tournant à 180 degrés ? »
Alors, le tournant je l’ai déjà pris donc un autre ne fera pas la différence. Les périodes d’attente sont les plus belles. Je n’attends pas, je savoure. L’attente au sens large peut pourrir la vie. De nouveau, essayez de penser à un moment où l’attente vous a empêché de profiter. L’attente aura à tout jamais une charge émotionnelle très positive. Je remercie ce cancer de m’avoir appris cela. Vraiment.
Oulala, je dévie de nouveau, désolée pour la structure complètement foireuse de mon blog. Je reviens à mon trajet vers Saint-Pierre. Je le détestais depuis le diagnostic post-op même si j’avais fait mes petites simulations dans le genre, je fais semblant qu’on descend en Provence. Hier, c’était tout à fait différent, MÊME PAS PEUR. Je me sentais femme en sortant de ma voiture, en me dirigeant vers l’hôpital, en passant la porte tournante (Une peur débilitante…) et non plus une malade. Je me rendais à l’hôpital pour « papoter » avec Docteur Derek, ça n’avait rien à voir avec les jours où on se rend à l’hosto pour apprendre des nouvelles. C’était très « casual » et j’ai a-d-o-r-é !. J’avais vraiment hésité à annuler ce rendez-vous car je ne voulais pas prendre une heure de son temps pour juste poser 2-3 questions sur la mastectomie (est-ce qu’on garde mon mamelon ou pas, à quoi ressemblera la cicatrice, comme ça se passe, le temps de récup, les drains, …). Merci à ma chère et tendre amie Valérie qui m’a dit « Delph, tu n’annules pas » « Oui, mais toutes mes « copines cancer » m’ont déjà tout expliqué, je vais lui prendre une heure de son temps » « Delph, tu n’annules pas, tu y vas, point barre ». En fait, je rêvais de juste parler. Je voulais partager mes impressions sur le rendez-vous avec Docteur Zen, je voulais vraiment lui parler de mes réflexions sur la double mastectomie, je voulais être rassurée, respectée et comprise par rapport à tout ce qui s’était passé depuis le rendez-vous queue de poisson/coup de massue/6 tonnes dans la tronche.
Tout ça pour dire que tous ces docteurs et infirmières ne sont pas là pour juste annoncer les mauvaises nouvelles, ni faire des schémas statistiques (Le cancer, c’est en fait un peu comme un examen de “stat er proba” à l’IAG), ni enlever les pansements pour voir la gueule des cicatrices, ni me taper dans les machines les plus sophistiquées du monde après les fusées, ni pour ponctionner mon sein ou l’enlever, ni pour me foutre des perfs, mais aussi pour des moments d’échange et de partage, et ça, c’est magique.
Sans tout l’aspect humain à l’hôpital Saint-Pierre, je suis sûre que je ne serais pas là où je suis aujourd’hui. Je suis comblée !
Je vous laisse, journée de boulot aujourd’hui, j’ai ma première commande de site internet, je suis trop contente. Acheter le nom de domaine, faire le logo et commencer à le construire avec du contenu unique et des photos magnifiques !
Passez une super journée !
XO
Delphine
Cherie, I am reading all of your blogs (and understanding most of it!), and quelle poesie! You are vraiment the best writer I know, and I love you you share all the bad and the scary, yet let us in on the light and even joy in your reflections. I am so very sorry about the mastectomy, so very happy that it didn’t get into your lymph nodes…. I know that you are waiting on chemo results- I’m waiting with you ❤️❤️❤️Gerry
Thank you so much my dear Gerry! Thank you for sending me such a sweet and supportive message! I love that you are enjoying the blogs, it is not the best literature but that is ok! Laughter feels so good and I laugh a lot when I write. Ce sont mes petites capsules bonheur and I love it all. Today was a little tougher with the mastectomy getting closer. Ups and downs like a roller coaster and honestly more ups than downs and for the most part beautiful and strong moments. I cannot wait to see you in Houston, I plan to travel after the mastectomy if I feel physically good. I hope to see you there, can you let me know by Facebook when you will be back in town? Lots of hugs! Delphine