Tu es la plus belle des Amazones

Tu es la plus belle des Amazones

Mardi matin. Nous voilà de retour de notre long weekend en amoureux.  

Ce matin, en me réveillant, ma petite tête est sortie de son état « compote » et a recommencé à penser en écriture. Ça y est, je suis prête à réattaquer le blog. Lentement mais surement car je sens que ce n’est plus aussi fluide que la semaine dernière. Ouf, vu l’état dans lequel j’étais ce weekend, je vous avoue que j’avais peur que la plume ne revienne plus jamais.

Quand j’ai déballé ma valise en arrivant à l’hôpital, j’ai soigneusement mis mon ordi sur ma table de nuit et j’étais déjà toute excitée de pouvoir écrire pendant mes insomnies. Que dalle, j’en étais plus qu’incapable et en plus, Didier aurait été vert de m’entendre tapoter, déjà qu’il ne supportait pas le tic-tac de l’horloge qu’on a tapée dans la douche enroulée de 3 serviettes de bain. Je ne sais pas comment les autres personnes gèrent ce bruit insupportable, c’est vraiment du même ordre que le supplice chinois de la goutte d’eau. Et puis, je me suis dit que l’horloge est une idée cruelle pour les malades qui sont moins entourés que moi car elle doit leur donner l’impression que le temps est interminable. Y a vraiment des améliorations à faire…

Comment pourrais-je qualifier ce séjour ? Intense, unique, inoubliable. Je verrai en cours d’écriture l’adjectif qui semble le plus juste.

Flashback… vendredi matin 6.15am.

  • Je prends un bon bain. Bilou, tu pourras descendre ma valise et bien prendre tous les chargeurs ? J’ai aussi mis quelques victuailles devant la porte.
  • T’as bien pris ton passeport et les billets d’avion ?
  • Tout est under control.

J’ai pris un petit café avant de prendre la route. L’anesthésiste est le seul qui dit qu’on peut s’enfiler une jatte avant de se faire opérer, c’est finalement lui le chef pour cet aspect-là.

  • Bilou, quel bonheur de voyager léger.

Cette fois-ci on a fait semblait qu’on allait en Bretagne, pas en Provence. Y avait un soleil radieux, c’était parfait. J’avais reçu toutes sortes de suggestions la veille pour mon petit dicton « Something new, something old, something borrowed, something blue » et ma valise était pleine de toutes ces petites choses qui font du bien (Pourquoi la petite souris ne passe pas quand on perd un sein ?). La seule chose que je n’avais pas pu caler dans ma valise était le bouquet de lavande cueillie avec amour par Sarah. On avait passé une super soirée la veille avec Sarah, Ludmilla et Caro, je leur avais raconté mes aventures avec Docteur 160 grammes. Je me réjouis de vous les raconter tout bientôt.

Pas un chat dans le parking de Saint-Pierre à part des personnes qui, comme moi, tiraient leur petit carry-on pour venir passer le weekend ou plus. J’ai tapé le bouquet de lavande sur le bureau de la personne qui nous a accueillis à l’enregistrement. C’est exactement comme à l’hôtel, on passe par la réception pour le check-in. Elle avait senti qu’on était en mode vacances et a joué le jeu à fond.

  • Je vois que vous avez déjà passé un petit séjour chez nous il y a 3 semaines.
  • Exactement, on était tellement ravi de l’hôtel qu’on a voulu remettre ça ; ça faisait si longtemps que nous n’avions plus passé de weekend en amoureux.
  • Je vois que vous avez pris pension complète ; je vous prépare votre petit dossier d’accueil, vous y trouverez toutes les infos.
  • Doit-on déjà réserver les soins pour le spa ?
  • Faites à votre aise, vous pouvez appeler la réception du spa en formant le 4.

On était de nouveau au même étage avec vue imprenable sur le personnel de chambre qui fait ses pauses clope, soupe et mouillettes et café. Comme dit Didier « Il n’y a pas d’heure pour une bonne soupe. »

Allez, je repasse en mode hôpital même si on a vraiment fait semblant qu’on était à l’hôtel du début jusqu’à la fin et je dois vous dire que ça faisait si longtemps que nous ne nous étions plus évadés dans un petit relais château à nous deux que j’étais hyper contente de passer du temps avec Didier. Il n’était pas spécialement très excité à l’idée de rester dormir mais finalement il a adoré.

Il a reçu un vrai lit de malade, pas un lit de camp, ce qui lui a permis de dormir comme un loir. A peine arrivé, il s’est installé, a checké ses mails et m’a dit « Tu m’as réveillé trop tôt ce matin, je repique un petit somme. »

Je passais sur le billard à 9 heures donc j’ai attaqué le petit rituel que je connais bien. Enlever le vernis à ongles, me laver tout le corps avec un savon hyper désinfectant, ôter tous mes bijoux, enfiler la belle robe de nuit à petits pois et attendre tranquillement qu’on vienne me chercher pour me descendre dans la petite salle préopératoire que je déteste tant et puis la salle d’op. Mais cette fois-ci, c’était tout à fait différent, je n’appréhendais plus cette petite salle, je sentais la présence de Xavier et de dizaines de petites mains de partout. On a finalement attendu jusqu’à 10.30, j’imagine que Docteur Derek a pris un peu plus de temps que prévu avant la nana qui passait avant moi. Didier a fini par me rejoindre dans mon lit pour continuer son petit somme pendant que je répondais aux dizaines de messages de soutien. J’étais gonflée à bloc comme jamais.

« Madame Remy, c’est à votre tour. »

Je connaissais le chemin par cœur mais je n’avais plus peur de rien, je suis partie gaie comme un pinson. On a parlé de la gestion des lits et des brancards avec l’infirmière qui me poussait jusqu’au bloc. Y a de nouveau quelques petites améliorations à faire… Y a une ambiance très particulière au -1, les couloirs sont tout calmes et on se croirait dans Star Trek. La première double porte où il est écrit « bloc opératoire » s’ouvre et ensuite la porte de la petite salle préopératoire.

On m’installe à la même place que la fois dernière et qu’est-ce que je vois sur ma droite, un paravent jaune avec des dizaines de petites souris qui me regardent (Pourquoi la petite souris ne passe pas quand on perd un sein ?). C’était magique. Quel clin d’œil extraordinaire, j’étais encore plus boostée que jamais et le sourire n’a pas quitté mes lèvres. En tous cas, je me souviens que je me suis réveillée de l’opération en souriant.

J’ai passé une demi-heure tout à fait sympathique dans la petite salle. J’avais une voisine de lit assez sympa avec qui je n’avais pas du tout envie de parler mais j’écoutais le récit de sa vie qu’elle racontait à son chirurgien qui avait l’air d’en avoir juste rien à foutre mais il ne le montrait pas. Il a marqué sa jambe, histoire de ne pas couper la mauvaise, en me faisant un clin d’œil. Trop sympa le bonhomme. Je me dis quand même qu’ils doivent parfois s’armer de patience.

J’ai taillé une longue bavette avec une nurse adorable qui m’a raconté tout son parcours. Elle m’a expliqué qu’elle adorait travailler au bloc car le contact avec les patients est extraordinaire.

  • Mais le contact que vous avez avec les patients est relativement court parce qu’ils sont tous sous anesthésie générale ?
  • Tant de choses se passent dans cette petite salle, c’est très important d’être là pour les patients.
  • Racontez-moi.

On a parlé pendant 30 minutes de tout ce qu’elle vivait au -1, des réactions de toutes les personnes qui arrivaient dans cette petite salle, son amour du métier, la vie à l’hôpital. Elle était si douce, elle s’appuyait sur les barreaux du brancard pour être quasi à la même hauteur que ma tête. « C’est du temps qualitatif et non quantitatif que je passe avec les malades. » Je confirme. C’était une demi-heure magique.  

Et là débarque l’anesthésiste le plus mignon de la terre. Un cœur. Petit chapeau de chirurgien très sympa et lunettes en écaille que j’adore. J’avais bien fait mon petit devoir, j’avais collé un Post-It rose sur mon ventre avec le nom des petites gouttes magiques que je prends tous les soirs pour m’aider à tomber dans les bras de Morphée. Je devais lui demander la permission de pouvoir les prendre le soir de l’opération car il n’était pas un instant question que je dorme « zéro minute, zéro seconde » (comme dit ma mère) comme après la première intervention.

  • Dites donc, vous n’êtes pas un petit peu hyperactive sur les bords, il vous faut toutes ces petites gouttes pour vous endormir le soir ?
  • Oui et je trouve qu’on ne change pas une équipe qui gagne, j’ai un moral d’acier et je dors comme un bébé.
  • Alors, prenez-les bien ce soir, c’est important que vous dormiez.

J’avais encore une question importante à lui poser. Il était temps de vérifier si ce que tout le monde dit est correct car il y a vraiment un mystère qui plane autour de l’origine de cette fatigue extrême après les anesthésies générales.

  • Tout le monde dit 1 nuit par heure de décalage horaire et 1 semaine ou même 1 mois par heure d’anesthésie générale. Tous les anesthésistes rencontrés jusqu’à présent me disent que la fatigue n’a rien à voir avec les narcos. Je doute un peu car j’étais vraiment nase pendant 2 semaines après la première opération (BLOG Le Jour J ou Opération numéro 1)
  • Le produit que je vais vous injecter sera éliminé dans 8 heures. La fatigue vient du choc opératoire. C’est le corps qui utilise toute son énergie à se réparer.

Je me suis dit que ça n’allait pas être triste car la tumorectomie avait déjà entrainé une fatigue extrême pendant deux semaines, bonjour avec la mastectomie. Il a beau être l’anesthésiste le plus mignon de la terre, je mets quand même ses paroles en doute quant aux narcos qui sont éliminés après 8 heures mais ça reste entre nous 😉

Il m’a poussée jusqu’à la salle d’op et là, je vous dis pas l’accueil extraordinaire. Tout le monde venait se présenter au-dessus de ma tête et on a causé de choses et d’autres, la couverture chauffante, la température caillante, la fourmilière que représente cette salle d’op, tout ça dans une ambiance hyper relax.

Contrairement à l’autre anesthésiste, celui-ci m’expliquait tout, chaque petite étape avec une douceur incroyable et c’est le seul dans la salle d’op qui était assis calmement près de moi, les autres couraient dans tous les sens. Il a d’ailleurs demandé aux nurses d’arrêter de piailler et d’avoir un peu de calme. J’ai trouvé ça hyper respectueux.

Et là, le grand chef est arrivé. El jefe. Derek aux mains d’or. C’est un peu comme la star qui rentre en scène et toutes les petites nurses sont les fans. Il a bougé les projecteurs au-dessus de ma tête, dans le genre ingénieur son et lumière qui prépare tout avant le spectacle et là, je me suis dit que c’était moi qui montais sur scène. Me voilà entourée de deux mecs sublimes, LET THE SHOW BEGIN !

  • On m’a dit que vous avez été extrêmement nauséeuse la fois dernière, je vais utiliser une autre anesthésie cette fois-ci.
  • Quelle chance !
  • Voilà, vous êtes prête ? Vous allez compter jusque 20 et vous endormir tranquillement.

C’est un moment que j’adore car on sent qu’on flotte et que l’esprit sort du corps.

  • Je sens que ça pique partout, dans ma tête, dans mon ventre, oulalala c’est bizarre, je suis shootée comme si j’avais fumé un joint que je n’ai jamais essayé.

Puis plus rien.

Merci à l’anesthésiste le plus mignon de la terre d’avoir décidé d’injecter un produit plus soft, zéro nausée du vendredi au dimanche, le séjour a vraiment pris une autre tournure, la salle de réveil n’était plus un cauchemar comme la fois dernière, j’ai pu dévorer pour reprendre des forces et ne plus être l’ombre de moi-même en sortant de l’hosto.

Comme la fois dernière (Le Jour J ou Opération numéro 1), je vais vous relater les « moments forts » de ce petit séjour en amoureux.

  • Did a assisté au changement de pansement alors que je ne voulais pas qu’il voie. J’avais tellement peur qu’il ne me porte plus jamais le même regard. Il m’a dit que j’étais encore plus unique et exceptionnelle qu’avant.
  • J’ai regardé la cicatrice alors que je m’étais juré de ne pas regarder avant le rendez-vous post-op avec Docteur Derek et j’ai tout de suite « accepté ». Se dire que nos cicatrices sont l’histoire de nos combats et de nos victoires m’a permis de voir de la beauté dans cette petite zone de guerre.
  • « J’ai mal au sein alors qu’il n’est plus là » « Madame Remy, ce sont des douleurs fantômes. »
  • Alors que la maladie peut créer une distance énorme entre un mari et une femme, c’est tout le contraire chez nous. C’est un cadeau.
  • J’apprends à recevoir et je trouve que c’est magique (BLOG Il y a deux sortes de gens sur terre).
  • L’humour de Didier m’a fait rire du début jusqu’à la fin du séjour à l’hôpital.
  • Did a adoré les déjeuners de l’hosto et regrettait très fort d’avoir pris congé de moi quelques heures quand ils ont apporté les boulettes sauce pruneaux.
  • Les autres repas étaient aussi pro-cancer que la fois dernière.
  • Nous avons fêté les 68 ans de maman le samedi soir. Champagne et morphine font excellent ménage pour atténuer la douleur. C’était très sympa à part qu’elle s’est pris les pieds dans mes drains en repartant, on a évité le pire… 🙂
  • Did m’a servi mon petit dej au lit avec une attention adorable alors qu’il déteste ça. Petits toasts au foie de morue, c’était du grand luxe (heureusement, on avait apporté nos provisions).
  • Didier a dormi comme un loir et m’a sorti un peu la même chose qu’il y a 20 ans « C’est fantastique Delph, on a des bébés exceptionnels, ils passent leurs nuits dès le retour à la maison » à part que c’était « C’est fantastique Delph, tu as fait le tour de l’horloge et n’as pas été dérangée par les nurses pour prendre ta tension. » « Did, d’où tu sors ? Elles sont passées 4 fois et j’ai fait 4 escapades salle de bain en accrochant tous mes tuyaux… et le bébé, je l’ai allaité et changé 4 fois. » Finalement, je trouve que c’est important qu’il y en ait toujours un des deux qui pète la forme. Mon but était de le convaincre de repasser quelques petits séjours à l’hosto avec moi puisque, comme tout le monde sait, la reconstruction ne se fait pas en une opération.
  • Moment très très fort samedi à 5 heures du mat, un email d’une maison d’éditions pour des projets de livre. Nutri, cancer ? Nous devons en discuter. Je jubilais.
  • La nurse de nuit m’a quasi sauté dans les bras, c’était la maman d’une de mes patientes. Je me suis si bien occupée de sa fille et elle s’est occupée de moi comme si j’étais sa fille.
  • Quand Did regardait sa nouvelle série Greenleaf, ça me berçait, j’avais l’impression de voyager dans le Sud des Etats-Unis avant de m’endormir.
  • Docteur Derek fait sa petite ronde l’aprèm pour voir toutes les opérées. Il avait l’air content de l’opération, on a fait le point et je lui ai fait écho de ma conversation avec la « plastic surgeon » de NY.
  • Petit conseil à toutes les femmes qui passeront par-là, emportez un joli petit sac pour balader vos drains. C’était une idée de génie de Mathilde. Mes escapades salle de bain faisaient un peu « je pars au marché acheter quelques cerises » plutôt que balader des bouteilles remplies de sang. C’est super important pour le moral.
  • Did ne comprenait pas pourquoi on changeait mes draps et pas les siens. Pension complète, c’est pour tous les deux, non ?
  • On a fait une petit séance photos, c’était tellement sympa.

Jusqu’à présent, vous constatez qu’il n’y a eu que des moments forts, mais j’arrive au moment le pire. Le retrait des drains. LE. FAMEUX. RETRAIT. DES. DRAINS. Je ne l’oublierai jamais et j’en ai encore la nausée.

  • Le docteur a donné l’instruction d’enlever le premier drain.
  • Parfait (zéro stress, je n’avais aucune idée de la torture que cela allait représenter).

Sur sa petite table roulante, l’infirmière avait un bistouri, du désinfectant et de quoi changer le pansement.

  • Je sors l’arme de guerre (le bistouri), mais ne vous inquiétez pas, c’est juste pour couper le fil (le fil, mon cul, l’énorme tuyau qui me traverse le sein).
  • Je vais compter jusqu’à 3. À 3, vous allez prendre une grande inspiration et bloquer votre respiration.
  • Ok (à part que chaque fois qu’on me donne une instruction pareille, je me plante et je fais le contraire).
  • 1, 2, 3 et voilà.

V-O-I-L-À. Non pas voilà. Voilà, c’est l’horreur. Voilà, c’est l’enfer. Depuis l’annonce du cancer le 11 juin à 10.05, je venais de passer le moment le pire. Je veux dire le pire physiquement, enfin même moralement, ce retrait de drain m’a sapé le moral à un point que vous ne pouvez même pas imaginer. J’ai hurlé, j’ai juré comme jamais, j’étais en état de choc. Moi qui ai un seuil de douleur hyper haut, tout à coup, il était à zéro. La nurse a été maligne, elle a foncé chercher un dérivé de morphine et me l’a tapé dans la bouche sans me demander mon avis. Alors pour ceux qui ne connaissent pas la joie des drains, je n’ai pas trouvé de meilleur exemple que les Beblade ou petite voiture qu’on fait avancer grâce à une grande tige toute dentée qu’on tire rapidement. J’ai appelé Marie pour qu’elle demande à Archi de faire une petite vidéo mais il a laissé ses Beblade à Houston. J’ai trouvé ceci sur le net, le retrait des drains ressemble au retrait des deux tiges de recharge des toupies en bien pire/100 fois plus rapide et violent. 

C’était la première fois depuis la mastectomie que j’avais toutes les sensations physiques de la mutilation. Son of a bitch motherfucker drain. Faudrait vraiment lancer le concept des anesthésies générales ultra courtes pour le retrait des drains, je suis sûre que l’anesthésiste le plus mignon de la terre pourrait me trouver un petit produit qui m’endort juste pour 5 minutes.

Ça fait deux jours que je me casse la tête pour trouver les mots justes pour décrire la sensation de l’absence de sein, mais je ne trouve pas. Je me suis demandé si les amputés de jambe ou de bras avaient la même sensation au bout de leur moignon. La bénévole qui est venue m’apporter une petite prothèse en mousse essayait aussi de trouver ses mots pour décrire ce qu’elle avait ressenti 18 ans auparavant. Ça avait l’air d’être encore si frais dans sa mémoire « C’est paradoxal car c’est endormi et c’est si sensible. » C’est la sensation la plus contradictoire de la terre, ça dort mais c’est archi sensible comme si on avait coupé toutes les terminaisons nerveuses et puis y a toutes les sensations émotionnelles qui sont somatiques. A l’heure où je vous écris, je passe ma main sur ce demi-torse plat, je le fais avec beaucoup de douceur mais je ne comprends pas encore trop ce qui m’arrive… J’ai accepté mais le reste est confus, ce sont des mixed feelings dans lesquels je n’arrive pas à mettre de l’ordre.

  • Comme je l’écrivais plus haut, j’ai eu la visite d’une bénévole de « Vivre comme avant » qui a passé une petite heure avec moi. C’est extraordinaire de passer une heure avec des personnes qui ont donné un sens à leur vie. Quel exemple. Cette femme a aussi eu une mastectomie et s’était juré après le passage de la bénévole dans sa chambre qu’elle ferait la même chose une fois retraitée. Petit moment magique, Didier a tout écouté en silence. Elle a vidé toute sa valise sur mon lit, il y avait un nombre invraisemblable de prothèses en mousse, elle m’a montré des vraies prothèses, des maillots et des soussous. Elle avait décidé de ne pas reconstruire et elle m’a expliqué comment elle vivait avec un sein. Quelle belle personne. Moi aussi, j’aimerais passer dans les chambres avec une petite valise quand le combat sera derrière moi.
  • « Allez bilou, il est temps de rentrer. Je me réjouis de te préparer un petit festin ce soir et t’installer dans tes plumes. Tout ira bien avec juste une nageoire, regarde Nemo, il se débrouille super bien avec sa toute petite nageoire. »

On a tout embarqué et cette fois-ci, j’ai pu me rendre à la voiture sur mes deux pattes, même pas besoin de chaise roulante sauf pour taper tous les bagages et tout ce que la petite souris avait déposé.

La porte tournante (Une peur débilitante…) était chargée d’émotions pénibles, je me sentais cafardeuse comme le jour de départ de la maternité. Exactement le même blues. Je n’ai pas dit un mot dans la voiture, j’étais terriblement mélancolique. Je repensais à ce drain. J’avais peur du retour, du choc en rentrant. J’avais quitté ma maison que j’adore avec deux seins, je revenais mutilée. Je ressentais les mêmes émotions que mes retours de Houston (tous les 3 mois), c’est comme un tsunami d’émotions fortes dans lequel on se perd pendant 2-3 jours.

Je raccourcis la fin de ce blog. Anne est passée déposer des œufs frais et un ravissant bouquet de fleurs tout romantique, il est à côté de moi quand j’écris. J’avais zappé qu’elle est infirmière. Je suis au bonheur qu’elle vienne changer mes pansements, elle a une pêche d’enfer donc ce moment très émouvant risque d’être tout à fait sympa.

Thierry et Christine sont venus prendre un verre de rosé. Grand débat sur les prothèses et la reconstruction par lambeau. Je la fais courte. Chacun a un peu son avis sur la question mais si on n’a pas perdu de sein, on ne peut pas comprendre la symbolique de celui-ci. IMPOSSIBLE. « Je trouve que les seins, ce n’est pas si important, je préfère les petites poitrines, je préfère les grosses poitrines, est-ce que c’est vraiment nécessaire de reconstruire, évidemment qu’il faut reconstruire à ton âge, … » J’entends tout de partout depuis 1 mois et j’avoue que je n’y vois pas très clair. Il n’était pas un instant question que je ne reconstruise pas avant d’être passée sur le billard pour la mastectomie, maintenant je n’ai pas envie d’y penser, j’ai juste envie de me reposer.

Didier a dit une chose si émouvante « Bilou, tu as assez dégusté, tu ne dois pas reconstruire pour moi. J’aime déjà tes cicatrices, elles font partie de ton histoire, de notre histoire. Elles seront toujours le symbole de ta force et de ton courage. »

J’arrête le blog ici car mon bras me dit stop. On coupe le sein mais le bras du même côté déguste aussi… J’ai des allures de T-Rex avec ma petite patte droite que je garde en l’air contre mon sein qui n’est plus… comme si je protégeais la petite zone de guerre pour qu’elle guérisse au plus vite.

  • Bonne nuit mon bilou, je t’aime « à moitié », tu es la plus belle des Amazones**.
** Pour ceux et celles qui ont un peu oublié leur mythologie grecque, les Amazones se coupaient le sein droit pour mieux tirer à l’arc. 
8 Comments
  1. Magnifique témoignage chère Delphine, en énorme pensée avec Toi, tes précieux fils et ton mari complice et si formidable 👌, gros kiss ! 😘

    1. Merci de tout coeur ma chere Laurence pour ton si gentil message qui me va droit au coeur. Vivement de te revoir un jour sur le parcours, j’ai adore suivre mon fiston et te voir! Plein de kiss

  2. Quel courage, tu as Delphine!! C’est impressionnant le moral que tu as, et l’espoir que tu transmets à travers tes mots. Et je pleure devant mon écran en lisant la phrase de ton mari “j’aime tes cicatrices. Elles seront tjrs le symbole de ta force et de ton courage”! Quel homme incroyable… Quelle belle preuve d’amour.
    Je suis de tout coeur avec toi. Et on prie pour toi le soir avec mes enfants. Gros bisous et à bientôt! Prisc

    1. Coucou ma chere Prisc! Merci pour ton si gentil message qui me va droit au coeur! Et merci de tout coeur aussi pour tes prieres, c’est magique! Merci merci merci! Tatiana m’a dit qu’il y avait un projet de diner VF, j’en reve. En fait je revais de l’organiser chez moi, on en avait parle avec Tatiana avant que je sache que je doive faire de la chimio, mais avec cette foutue chimio, impossible de l’organiser je dois dire. Je me fais une joie de vous revoir toutes. Et le prochain, je l’organise en tous cas chez moi! Vivement de te revoir! Lots of love

  3. Ma Delphine cherie
    Tu es la plus belle des Amazones qui tire des flèches de courage, d’amour et d’humilité.
    Lové you so much

    1. Merci ma chere Steph cherie! J’adore l’idee des fleches d’amour! Tout plein de kiss et vive mon prochain voyage a Houston et une petite sortie magique a nous deux! Bisous a Domi et les kiddos.

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