« Non est une phrase complète. » – Oprah
Vraiment pas mon fort. Mais alors, vraiment pas. Et peut-être même bien depuis toujours. Et pourtant je travaille sur ce point, je sais pertinemment bien qu’il est crucial d’apprendre à dire ‘non’. Je le sais depuis longtemps et pourtant ça reste très compliqué pour moi. C’est laborieux et je me plante royalement chaque fois que je dis ‘oui’ alors que je rêvais de dire ‘non’.
N’est-ce pas le moment idéal de réaliser toute l’importance du ‘non’ et d’en faire toute l’expérience ? Le cancer me donne cette merveilleuse excuse… que dis-je ? Cette merveilleuse opportunité de dire ‘non’. Je peux dire ‘non’ et je dois dire ‘non’ sinon je n’arrive pas à maintenir le cap. Je ne vais pas mentionner des exemples bien précis et je vais rester générale en disant que ce cancer m’a gentiment envoyé quelques situations pour tester ma capacité de dire ‘non’.
« Ma chère Delphine,
Moi, cancer, je voulais t’écrire ces quelques mots… J’aimerais que mon passage dans ta vie te soit bénéfique. Je vois que tu as fait du chemin, tes écrits en témoignent, mais je te propose d’en parcourir encore et tu en seras très heureuse. Plus en paix avec toi-même. Plus vraie. Puisque je t’accompagne encore quelques semaines, j’aimerais encore en profiter pour te donner l’occasion de t’écouter davantage. Te donner l’occasion aussi d’oser dire et de faire l’expérience de ce fameux ‘non’ que tu redoutes tant. Pourquoi ne ranges-tu pas ta culpabilité et ton sentiment d’égoïsme au vestiaire ? Sache que quand tu dis ‘non’ à une proposition, tu ne rejettes pas la personne qui l’énonce, mais tu dis ‘non’ à cette proposition. Il y a une grande différence, apprends à bien distinguer parole et sujet parlant. Ça ne fait pas de toi une mauvaise personne que de connaître et d’affirmer tes limites et tes besoins, parce que dire ‘non’, c’est à cela que ça revient. Et puis, je sais que c’est un sujet qui te tient très à cœur car tu en avais déjà parlé dans le blog « Suis-je à moitié femme si je n’ai plus qu’un sein ? » en écrivant ‘Quand tu dis non, à quoi dis-tu oui ?’ Voilà ce que je désirais te partager. Je t’ai entendu dire à maintes reprises que j’étais une bénédiction dans ta vie, je trouve finalement qu’on fait une bonne équipe tous les deux. Le 14 février, je te quitterai et je te souhaite déjà bon vent pour la suite ! »
Faut-il avoir l’excuse d’un cancer pour dire non ? NON !
Faut-il avoir une excuse ‘tout court’ pour dire non ? NON !
Une amie outre-Atlantique m’écrit ceci :
« You can say fuck you, leave me alone, any fucking day darling – no cancer needed for that one. This is your time to set those limits. Allow yourself to do whatever you want, say whatever you want and go wherever you want. »
On va nuancer un peu et ajouter quelques notions de bienveillance, mais disons que c’est le postulat de départ 😉
Je pensais qu’un article sur ce sujet allait intéresser plus d’une personne et je serais très curieuse de savoir si certains d’entre vous maitrisent totalement l’art du ‘non’. Alors, je vous le dis tout de suite, comme vous avez pu le lire, je suis nulle en la matière donc ce blog va me permettre de mettre par écrit tout ce que j’aimerais encore intégrer, apprendre et appliquer, et si ça peut vous aider, alors ce sera un vrai win-win et j’en serai d’autant plus contente.
Savoir dire non…
« Savoir dire non est un acte d’amour envers soi. »
Franchement pas à la portée de n’importe qui ! Consistance face à l’autre et cohérence interne face à ses propres choix, entre désir et besoin, entre culpabilisation et satisfaction, et entre recherche d’approbation et affirmation. Risquer de s’affirmer dans sa différence, et parfois même de s’opposer face à un proche, n’est pas facile… parfois même risqué.
Mes ‘oui’ naissent la plupart du temps d’un élan de générosité super spontané, parfois trop rapide. J’aime et je veux faire plaisir, j’aime et je veux faire passer l’autre avant moi mais parfois je m’oublie. Parfois je me dis aussi que le risque à payer de dire ‘non’ et de m’affirmer est trop grand et les conséquences trop lourdes que je me laisse entraîner dans un ‘oui’ de compromis. De compromis ? Un ‘oui’ qui ne m’arrange pas toujours mais j’ai peur de décevoir l’autre.
Et la culpabilité dans tout ça ? Quand dis-je ‘oui’ parce que je me sens coupable de dire ‘non’ ? La fameuse culpabilité, notre magnifique éducation judéo-chrétienne nous en a foutu une belle couche. Je fais une petite parenthèse parce qu’elle m’amuse et j’avoue que je vais un peu exagérer… 12 ans de scolarité à l’Institut de la Vierge Fidèle à Bruxelles. C’est sûr qu’on avait des têtes bien pleines en sortant de là, mais on a aussi été injectées à hautes doses de ce poison, la culpabilité. Ce n’était jamais assez bien, « peux mieux faire » même quand on frisait l’excellence, nous avions péché et on se l’entendait dire. Nous devions passer à la confess toutes les fêtes ! Toussaint, Noël, peut-être même bien Carnaval même si c’est une fête païenne, Pâques, évidemment Pâques, et avant les grandes vacances, histoire de profiter de l’été absoute de tout péché ! Quel souvenir, je me marre en l’écrivant. C’était des belles années mais quel impact ! Je ferme la parenthèse Vierge Fidèle…
Et puis, autre réflexion… quand dis-je ‘oui’ par besoin inconscient de vouloir sauver l’autre, par peur de ne pas être aimée ou par volonté de me rendre indispensable ?
Il y a tant de choses qui rentrent en ligne de compte pour comprendre pourquoi il est si difficile de dire ‘non’. Un petit tour dans l’enfance et dans la relation avec les parents serait aussi nécessaire pour mieux comprendre, … ce blog pourrait devenir un livre, mais je vais tenter de rester courte.
Je suis responsable…
J’ai été bouffée, tant de fois bouffée mais je reconnais que je suis la seule responsable. J’ai toujours imaginé que j’avais un espèce de hula hoop autour de moi. Un hula hoop ? Oui, un hula hoop qui contient ma petite zone de liberté comme une espèce de petite couche de protection qui m’appartient, c’est mon espace à moi toute seule et une zone interdite pour les autres. Je sais tout de suite quand une personne que je rencontre ne me convient pas. C’est vibratoire, je sens la mauvaise énergie, non pas que la personne soit mauvaise, mais ma petite zone de liberté, ma zone limitée par mon hula hoop, est envahie. Ça arrive rarement mais quand ça arrive, je ne m’engage pas dans une relation avec cette personne.
En revanche, il arrive aussi parfois que des personnes que je connais transgressent les frontières du hula hoop. Sont-ils responsables ? NON, aucunement. C’est ma responsabilité. C’est moi qui ne m’affirme pas assez, qui n’exprime pas mes limites et mes besoins et qui, en somme, ne fais pas bien mon boulot de douanier !
Mon hula hoop…
C’est pas tout de l’imaginer, encore faut-il qu’il me serve vraiment à quelque chose et qu’il soit bien utilisé. Je dois définir mon territoire en ayant une idée claire de mes envies et surtout de mes limites. Comment répondre ‘oui’ ou ‘non’ aux sollicitations si je n’ai pas une idée claire de mes limites. Qu’est-ce qui compte pour moi dans tous les domaines de ma vie : mes valeurs, mon rythme de vie, mes priorités, mes goûts, mes préférences, … Le hula hoop prend alors tout son sens, c’est mon petit ‘territoire de vie’ avec des repères intimes auxquels je peux me référer sans cesse quand les autres me sollicitent.
Dire oui alors que je voulais dire non…
C’est parfois si lourd de conséquence d’accorder une plus grande importance aux désirs de l’autre qu’aux siens. Et je le dis parce que je l’ai expérimenté à maintes reprises. Je me dévalorise à fond quand je fais ça. Ça engendre une triple colère. Une colère contre moi-même d’avoir accepté une demande, une tâche, un projet, un rendez-vous. Une colère contre celui ou celle qui a su obtenir de moi ce qu’il ou elle voulait. Et puis pour couronner le tout, une colère, ou plutôt un sentiment de culpabilité très fort, parce que je juge l’autre. C’est vraiment le bordel intégral et si peu constructif alors que ça pouvait être si simple dès le départ.
Jacques Salomé nous dit…
« Une communication vivante est celle qui inclut la possibilité de pouvoir demander, donner, recevoir et aussi refuser. Oser refuser, comme oser recevoir, fait partie d’un rééquilibrage permanent nécessaire à la santé d’une relation. »
Refuser ou dire ‘non’ ne sont PAS des signes de pur égoïsme. Les ‘oui’ prononcés sans conviction engendrent ces triples colères et des frustrations toxiques pour soi et pour la relation, mais en revanche, le courage de dire des vrais ‘non’ permet de dire des ‘oui’ qui expriment intégrité et convictions personnelles. Ça parait si simple, vous ne trouvez pas ?
Ah… ces deux forces antagonistes…
Parfois, je me dis que c’est un signe de grande maturité que d’être capable de dire ‘non’ sans culpabilité, ni agressivité, et d’arrêter d’être tiraillé entre ces deux grandes forces. Le besoin d’affirmation, d’indépendance, d’autonomie, de différenciation et j’ai envie d’insister sur le dernier : de non-soumission aux attentes et aux injonctions des autres. Et puis, l’autre force, le besoin d’approbation, d’être aimé, de ne pas être rejeté, de ne pas être jugé, le besoin de confirmation que nous attendons des personnes importantes pour nous.
Suis-je responsable des émotions d’autrui ?
J’en avais déjà parlé quand j’ai mentionné que j’avais eu vent d’une ou deux critiques sur le blog, critiques qui ne m’appartenaient pas. C’était une bénédiction pour me permettre de mettre mes limites, continuer à apprendre à ne rien prendre personnellement, et aussi visiter mon ego. Je recommence aujourd’hui, je ne suis pas responsable des émotions des autres. Il leur appartient de bien ou mal réagir à mes décisions. Pas besoin de dire ‘oui’ juste pour préserver les autres (vous pouvez rajouter « merde à la fin » si ça vous fait du bien de le dire).
Attention, je ne parle pas de se déresponsabiliser complètement, ni même de s’autoriser des ‘non’ et des refus super blessants, mais j’ai envie de dire de se débarrasser d’une culpabilité énorme qui ne fait qu’envisager les conséquences d’un ‘non’ pour l’autre plutôt que pour soi. Qu’est-ce qu’un ‘non’ ou un ‘faux oui’ auraient comme répercussions sur moi ? Est-ce que je serais vraiment honnête avec moi si j’acceptais cette invitation, cette proposition, cette demande, ce projet, … ?
Et pourquoi pas demander un temps de réflexion avant de répondre. Comme je l’ai mentionné, mon grand faible ou ma grande force, c’est selon, est d’être une méga spontanée voulant toujours faire plaisir. Engagements et ‘oui’ précipités. Parfois regrettés.
Non, et en même temps…
Je vois plusieurs dynamiques. Un ‘non’ qui exprime un rejet, une opposition, une punition qui laisse chez l’autre une blessure, une trace négative et parfois même humiliante. Je pense que c’est le risque quand c’est la cocotte-minute qui explose et qu’on a dit trop de ‘oui’ à tout le monde et aucun à soi-même ! Alors, j’avoue que personnellement, je ne passe jamais au ‘non’ agressif, mais je peux exploser à l’intérieur parce que je me suis complètement oubliée.
« J’ai bien entendu ton besoin, mais je ne peux malheureusement pas y répondre pour le moment. »
« J’aimerais te dire oui, et en même temps je suis trop fatiguée et j’ai besoin de me reposer. »
« Ce n’est pas contre toi que je dis non, c’est pour moi. Je sens que je ne me respecterais pas si j’acceptais ta demande. »
Et pourquoi pas exprimer aussi son malaise sans pour autant se justifier de manière excessive ? « Je ne suis pas à l’aise de te dire non, mais j’ai besoin de… » Ça permet de créer un climat de complicité et peut-être d’éviter le choc d’un ‘non’ inattendu ? Je pense en revanche que trop de justifications peuvent tuer le ‘non’, c’est comme si elles pouvaient trahir un sentiment de culpabilité qui ferait perdre toute crédibilité.
Oulalala, quel fine tuning compliqué parce que c’est pas évident de dire ‘non’ sans explications. Merci à Ludmilla pour ses talents de coach et ses tips toujours si utiles et instructifs.
NON parce que j’ai déjà dit oui à…
NON parce que j’ai une limite personnelle à…
NON et je te propose une alternative…
J’ai envie de dire OUI, et en même temps…
Ce « en même-temps » magique qui rend le ‘non’ plus facile à dire… et à entendre.
Les ‘non’ des autres…
C’est pas tout d’apprendre à dire ‘non’, il y a aussi des bénéfices à recevoir des ‘non’ des autres. Même s’ils provoquent un sentiment de rejet, ils permettent de grandir, évoluer, apprendre et mieux comprendre la personne qui me dit ‘non’. Et puis, recevoir des ‘non’ nous aide à nous-même dire ‘non’ ! Un vrai ami, n’est-il pas celui qui est capable de nous dire ‘non’ quand il en a besoin ? Est-ce honorer l’autre que de lui dire ‘oui’ à tout ?
Le fameux sentiment de toute-puissance qui prête à réfléchir…
La volonté de toujours faire passer l’autre avant soi, la préoccupation de protéger ou de ménager l’autre, le souhait de ne pas décevoir sont des raisons louables de ne jamais dire non MAIS… comme dit Marie Haddou, cette volonté, cette préoccupation et ce souhait ne renvoient-ils pas paradoxalement au souci inconscient de satisfaire un sentiment intérieur de toute-puissance ? Monsieur ou Madame « Oui oui » au bureau ou dans la vie privée, l’ami sollicité de toute part, présent pour tout le monde, tout le temps. Un petit tour à faire du côté de l’ego…
Dis donc, qu’est-ce que ça fait du bien d’écrire tout cela, j’ai l’impression de m’être libérée d’un fardeau ! Et qu’est-ce que ça fait du bien de dire ‘non’ ! Je me suis fait un peu violence ces dernières semaines en disant ‘non’ à plusieurs demandes, je ne vous cache pas que la pointe de culpabilité, le sentiment d’egoïsme et le besoin de me justifier sont toujours bien présents (je suis une mauvaise fille, une mauvaise amie), mais la satisfaction est énorme. Je sentais que je me respectais et que je m’écoutais davantage. C’est comme si je m’aimais plus. Un vrai lifting de l’estime personnelle.
Si on méditait un peu sur ces préceptes…




Tres tres belle reflection Delphine! Merci pour ces mots de sagesse pleins de psychologie. A mediter! Enormes kissssssssss
Merci ma chere Sandy! Merci pour ton gentil message! Je te souhaite de belles fetes et j’ai hate de te revoir! Enormes kissss a toute la famille!
Chère Delphine, Comment te sens-tu toi quand quelqu’un te dit non?
Dautre part, en espagnol, on dit: “ante el vicio de pedir, la virtud de no dar”.
Qui pourrait se traduire par: face aux excès des demandeurs, existe la vertu de ne pas céder…
Très beau texte une fois de plus,
ma chouchoute✨✨je pense que l’on peut tout dire, à condition de s’exprimer avec gentillesse ;
Et aussi, il y a très peu de personnes avec qui on peut tout le temps être soi-même, et dire ce que l’on pense, sans que l’autre interprète nos paroles
sinon,N’oublie pas de donner des petites nouvelles de toi-même 💙💙plein plein de love, Roxane
Quelle belle réflexion sur le non! Bravo Delphine tu es une leçon pour tous! 🥰😢🤩😘😘
Merci pour ce beau texte !
Superbe texte …dans lequel je me retrouve parfaitement. Cette fameuse culpabilité judéo-chrétienne…des heures de travail sur soi-même, accompagnée d’une psy fantastique. Cela a quand même pris des années pour savoir dire Non, et se sentir libre et non coupable. Surtout, ne jamais penser que tout est acquis. C’est un travail sur soi de tous les jours. Et se retrouver seule avec soi-même fait un bien fou. Tout le cheminement est important car il faconne la personne que nous sommes. Il nous fait évoluer. Et vivre intensément le moment présent est aussi une merveilleuse manière de vivre sa vie… plutôt que de regarder derrière ou loin devant. Des bisous tout le monde et belles fêtes de fin d’années.
Merci, très chère Delphine, pour ton généreux partage ✨. Prends soin de toi 😍 douce fête de Noël à toi et tes chéris et très belle année 2020, je vous embrasse tous bien fort.
Savoir dire « non » et savoir « demander » mes deux nouveaux combats ! Ça semble pourtant si simple. La petite parenthèse VF m’a bien parlée 😉 .
Merci.
Je suis en pleine préparation d’un atelier sur Comment dire Non?
Votre réflexion m’est précieuse.
Ane Evangelista
Psychothérapeute à Mons
Belgique
Merci de tout coeur pour votre gentil message! Comme c’est interessant, je serais ravie que vous me fassiez echo de votre experience. Bonne chance pour la preparation! Delphine