Je grogne, je peste, je rechigne.

Je grogne, je peste, je rechigne.

Photo: Elle date du premier confinement, je trouvais qu’elle était dans le thème…

Mais où est passée la nénette positive, battante, résiliente, en forme ? Aujourd’hui, je grogne, je peste, je rechigne. Je grinche, je proteste, je rouspète. Je peste, je résiste, je bisque, je râle… je suis fâchée quoi ! Il paraît que c’est sain et qu’il faut que ça sorte…

Le cancer, cette épreuve qui nous rend plus forte… si forte… On naît princesse, on devient guerrière… Allez, on ne lâche rien, on continue à se battre, on se relève… Cancer, je gère… Cher cancer, piou piou… je lui ai même écrit une lettre de remerciement. J’ai même remercié ce putain de cancer. Et en plus, je l’ai fait des milliers de fois puisque le livre a été imprimé en des milliers d’exemplaires. Mais Delph, t’es tombée sur ta tête ou quoi ? J’ai presque envie d’aller reprendre tous ces exemplaires qui se baladent en Belgique, en France et ailleurs, de barrer certains passages et noter à l’indélébile “plus valable”, “plus d’actualité”, “pas vrai ou plus du tout vrai”, “n’importe quoi, les choses ont changé”.

Je pense qu’il est grand temps de penser au tome 2 pour raconter la suite. Heureusement que le blog me permet déjà de le faire… avant de l’imprimer. 

“Cancer ? Je gère !”

Certaines personnes prennent le temps de m’écrire parce qu’elles sont enragées à la vue de ce titre. Elles sont très rares, je peux les compter sur les doigts des deux mains depuis le lancement du livre, mais je prends le temps de leur répondre ce qui suit parce que je comprends leurs mixed feelings parce que les miens sont aussi un peu mixed en ce moment. De plus, elles ne connaissent pas l’histoire de ce titre. Quand je me fais engueuler, c’est un peu moins agréable mais je ne le prends pas personnellement. Je sais très bien que derrière l’agressivité de leurs propos se cache une énorme souffrance.

L’histoire de ce titre est longue et elle est bien expliquée dans mon blog et mon livre. Je comprends qu’elle suscite des réactions négatives comme la vôtre, parfois même de la colère. J’accueille ces réactions et j’ai envie de prendre le temps de vous répondre. Au moment où le livre est parti à l’impression, nous avons failli changer le titre ou la ponctuation. « Cancer ! Je gère ? » ou « Cancer ? Je gère ! » C’est quoi au fond gérer un cancer ou toute épreuve qui vient chambouler notre vie ? Pour moi, c’est s’écrouler et se relever, s’écrouler encore et se relever encore. S’écrouler encore et encore, et se relever encore et encore. C’est un parti pris, une décision de continuer ses traitements, de se battre malgré l’agressivité du cancer et les mauvaises nouvelles en cascade. Gérer, c’est encore se relever pour les 3 opérations à venir et les 9 ans d’hormono. Gérer ne veut pas dire nier les difficultés du réel mais justement les accueillir, être en colère, pleurer de désespoir mais toujours se relever… avec une énorme compassion pour ceux qui n’arrivent pas toujours à le faire. Gérer, c’est aussi créer un espace pour accueillir la joie et l’émerveillement même si certains jours, ça paraît mission impossible. Voilà, chère Madame, l’histoire du titre et si le cœur vous en dit, j’ai créé un groupe de soutien, du même nom, ouvert à toutes les femmes touchées par le cancer, peu importe le type de cancer, et à leurs accompagnantes. Je vous embrasse bien fort.

Elles ont perdu un être cher, elles ont des métastases, elles ont une chimio à vie, elles ont une vie de merde, des cancers “moins glamour” qui rendent leur quotidien infernal… je comprends que certaines protestent, mais aujourd’hui, je me joins à elles, je proteste avec elles parce que j’en ai plein le cul par moments et pourtant j’ai beaucoup de chance. Je vais d’abord reconnaître ma grande chance (surtout d’un point de vue médical) avant de rechigner encore un petit coup.

J’ai de la chance…

Par rapport à mes sœurs de combat “les triplettes”. C’est comme cela que certaines s’appellent entre elles. Triplettes pour cancer du sein “triple négatif” par opposition à “cancer du sein hormonodépendant ou hormonosensible” qui est le mien. Vite vite en quelques mots pour ne pas rentrer dans un cours de médecine avancé…  quand on a un cancer du sein hormonodépendant (80 pourcent des cancers du sein), on a la chance de pouvoir bénéficier de l’hormonothérapie qui nous protège à 50 pourcent des récidives. Notez bien 50%. P.A.S. 100%. Mes sœurs de combat triplettes n’ont pas cette chance d’avoir une petite pilule à avaler tous les matins et en plus, elles ont un cancer qui a plus de chances de récidiver dans les deux premières années. Franchement dur…

Évidemment que certaines rêveraient d’avaler un cachet par jour pour faire chuter les risques de récidive. Je le voudrais aussi ce cachet si j’étais une triplette. J’en rêverais même de ce cachet au même titre que je rêverais qu’il y ait une “triplette thérapie” pour elles. Je tenais avant de continuer le blog à leur dire combien je les comprends. Après tout, on est très proches, on est passées par les mêmes traitements, on a connu les mêmes nausées, les mêmes questionnements, les mêmes peurs, les mêmes doutes, la ou les même(s) ablation(s), la même perte de cheveux, le même épuisement…. Mais on a la chance d’avoir une petite pilule qui nous protège à 50 pourcent… mais qui augmente légèrement les risques du cancer de l’endomètre. On peut quand même pas gagner sur tous les tableaux !

Et puis quelle chance j’ai aussi… je n’ai pas pris 10 kilos, je n’ai pas « trop » de problèmes articulaires, je n’ai pas de bouffées de chaleur ni un sommeil pourri, je suis une bolue dans toute sa splendeur. Ce sont les effets secondaires rapportés par un pourcentage important de femmes, ils sont parfois si pesants qu’ils conduisent jusqu’à 30% d’abandons du traitement et 50% chez les femmes ménopausées après 3 ans de traitement. Le fameux « taux d’observance » que tous les oncos et gynécos du monde entier aimeraient voir à 100% et je les comprends, tout comme je comprends et respecte le choix de chaque femme. 

Quelle chance j’ai et j’arrive encore à rouspéter. J’aurais pu avoir tous ces effets secondaires depuis le début mais j’ai juste « pour le moment » quelques désagréments, la fatigue, extrême par moments, et le moral en dents de scie. Je pense de toute façon que fatigue et moral forment toujours un package. A choisir, j’aurais plutôt choisi 10 kilos et quelques bouffées de chaleur à la place de cette fatigue mais c’est l’hormono qui choisit, pas nous !

” Ce sont tes traitements lourds qui t’épuisent encore un an et demi plus tard… c’est ton opération du 20 janvier qui t’épuise encore… Tout le monde est crevé, on en a marre de l’hiver, on en a marre du Covid, on a besoin de lumière, de soleil, tout le monde n’en peut plus.”

Non, c’est autre chose… je sais que c’est autre chose.

Qu’on ne me dise pas que la chimio épuise pendant 5 ans, qu’on ne me dise pas qu’une opération d’une heure épuise pendant deux mois. Je me suis chopée deux chirurgies à 15 jours d’intervalle en juin 2019, je n’étais pas fatiguée comme maintenant. Qu’on ne compare surtout pas cette fatigue à la fatigue généralisée de ce long hiver, du Covid qui nous tape sur les nerfs et des décisions gouvernementales qui sapent le moral de beaucoup et nous privent de nos droits. C’est autre chose. C’est un épuisement qui cloue au lit des demi-journées, plus moyen de se lever. C’est un épuisement sans signe avant-coureur, il tombe telle la guillotine. Paf en un coup. Plus moyen de bouger. Faut se coucher. C’est un épuisement qui laisse 3-4 jours de répit, avec plein de pics de grande forme et parfois d’euphorie, quel bonheur, mais qui refrappe soudainement et sournoisement, comme ça au milieu d’un repas, pendant une balade, en pleine réunion. Merci de prévenir ! C’est un épuisement qui, quand il s’en va, laisse parfois place à une grande lassitude entraînant un petit moral. La lassitude, oulala, j’aime pas cet état. Pour la combattre, se reposer et ensuite se fouetter pour redémarrer, c’est comme le coup de cravache sur le flanc et le cheval est reparti. C’est un épuisement qui embrouille le cerveau de manière impressionnante par moments. Les idées deviennent floues. Je commence une phrase, j’ai perdu la suite de mes idées, je suis perdue, “je disais quoi?” “on parlait de quoi ?”

Je sais que je suis loin d’être la seule à monter à l’étage pour aller chercher quelque chose mais je ne sais plus ce que j’allais chercher, ou sortir mon téléphone pour appeler quelqu’un mais je ne sais plus qui je devais appeler. Trop de registres ouverts dans notre tête, pas assez présent à ce que l’on fait, une trop grande charge mentale. Tout cela explique ces situations qui nous sont très familières.

Dans une conversation, je ne retombe plus sur le prénom de ma belle-sœur. Je sais que j’en ai 6 mais là, il y a un problème. Un sérieux problème. Je n’ai rien dit mais j’ai réalisé qu’il y avait un problème. Ça commence à se reproduire plus souvent… On sait très bien quand c’est différent de toutes les situations que je viens de mentionner. On sait très bien quand le problème est d’un autre ordre. 

Hier, je scrollais par hasard sur Insta et me voilà nez à nez avec un post d’une nana qui m’a l’air vraiment super, une espèce de petit soleil en rémission depuis 2015. Elle avait dans les mains un livre nommé « La fatigue liée au cancer. La connaître pour la combattre », BINGO. Elle commence son post en écrivant « C’est fatigant la fatigance (ma phrase fétiche)… les semaines se suivent et se ressemblent… Quand je dis que je suis fatiguée, ce n’est pas la fatigue d’une personne saine, je suis vidée, KO, à la limite du burnout. Parfois, je n’arrive plus à aligner deux mots… j’ai l’impression qu’on me vole mon temps si précieux qu’est la vie… » Puis elle enquête auprès de nous, c’est sympa « Et toi, tu vis ou gères comment cette fatigue ? Comment tu la ressens ? Tu sais d’où elle vient ? » REBINGO, je suis loin d’être la seule et ça fait du bien de le savoir. Je n’ai pas attendu une seconde pour lire la longue liste de commentaires, j’ai cherché des réponses et j’ai surtout eu besoin de me sentir entendue et comprise.

Merdouille alors, elle a terminé ses traitements en 2015, on est en 2021, et elle est encore fatiguée… et moi j’ai terminé les miens en 2020 ! L’avantage, c’est qu’on est toutes uniques, donc je refuse de faire la règle de 3 même si je la fais automatiquement… je ne serai pas fatiguée jusqu’en 2026, il n’en est pas question ! Y avait plein de nanas dans la même situation, pas du tout dans la plainte, mais plutôt cash, honnêtes et courageuses dans le genre « C’est vraiment la merde mais j’essaie de trouver des solutions ». J’aime bien comme une écrit « On était toutes jeunes dans la maladie, on se retrouve toutes vieillies à la sortie !! Mais on va comprendre et faire en sorte de s’en sortir. » Inutile de vous dire que certaines montrent bien évidemment du doigt l’hormono. Faut pas se leurrer… elle ne nous aide pas celle-là. D’ailleurs, s’il y a une personne sur terre qui a eu un regain d’énergie sous hormono, faut vraiment me la présenter. Si on nous a donné, à nous les femmes, des œstrogènes, c’est pas juste pour rigoler mais quand on nous les enlève de manière radicale, c’est contre-nature et le corps rame…

C’est un peu mon état d’esprit en ce moment, je la montre du doigt parce que je n’étais pas aussi fatiguée après mes traitements mais ça va crescendo. Vous ne trouvez pas que parfois, ça fait juste du bien de désigner UN coupable (enfin UNE coupable si on parle de l’hormono), en lui flanquant toute la responsabilité, pour tout simplement déverser sa colère. On l’accuse, peut-être parfois de manière exagérée, car on aimerait récupérer une vie agréable après les bombes chimiques qu’on nous a fait péter dans le corps pendant plus de 6 mois. Je reviendrai sur l’hormono à la fin du blog, hier j’ai ressenti le besoin de lui écrire une lettre car j’avais quelques comptes à régler avec elle.

Pourquoi ce blog ?

Pour plusieurs raisons. Parce que j’ai besoin d’écrire quand j’en ai marre. J’aurais pu ne pas le publier mais j’ai décidé de le faire parce que j’aimerais informer. Au même titre que ça m’a fait un bien fou de tomber sur ce post sur Instagram, je me dis que ça fera du bien à d’autres de savoir qu’elles ne sont pas les seules à être rincées, vidées, exténuées par moments, que ce soit dans le cadre d’un cancer, d’un burnout ou d’un choc post-traumatique.

Vivre avec, composer, se ménager, se relever, prendre sur soi et prendre soin de soi… J’ai un petit souci avec le « prends bien soin de toi ». Ça veut dire quoi cette espèce de fin de phrase souvent prononcée sans trop réfléchir ? Elle a parfois le pouvoir de m’énerver à un point cette mini-phrase ! Je trouve que ça vaut la peine de s’y attarder un instant parce que prendre soin de soi a autant de définitions que de personnes sur terre. On est tous uniques, je me répète, et on a tous notre manière à nous de prendre soin de nous.

Prendre soin de soi… a priori, ce serait s’écouter, se respecter, écouter son corps et ses besoins, se sentir alignée, faire des choses qui nous font du bien et tutti quanti, la liste est longue et vous la connaissez. Parce que si vous vous écoutez, vous la connaissez.

Prendre soin de soi quand on est explosée de fatigue = dormir, se reposer. Prendre soin de soi pour prévenir au mieux ces coups de barre qui plombent la post-cancéreuse sous hormono que je suis = éviter tout excès, se coucher tôt, ne pas prendre le deuxième verre, encore moins le troisième, faire du sport ++, vivre à son rythme, gérer son stress, manger sainement, bref une vie un peu trop rangée où le moindre petit excès ou débordement n’a plus trop sa place parce que, oh la vache, je le paie cher. Bon, c’est peut-être un peu vrai pour tout le monde mais c’est encore plus vrai juste après un cancer. Tout n’est plus permis comme avant. Évidemment qu’on n’est plus comme avant et je n’en voudrais pas de ma vie d’avant, hell no, mais j’aimerais récupérer mon énergie d’avant. Allez soyons souples, la moitié de mon énergie d’avant, je serais contente. J’aimerais pouvoir avoir confiance en mon corps, j’aimerais pouvoir me dire qu’il ne va pas me lâcher. Tout à coup, je pense à l’âne qui s’arrête au milieu de la route et se couche et on peut danser sur sa tête, il ne bougera pas. Analogie un peu débile mais voilà ce que ce petit corps me joue comme tours ces derniers mois.

Prendre soin de soi… et vous comment prenez-vous soin de vous ?

Pour moi, prendre soin de moi, et être bien dans ma tête et dans mon corps, c’est créer, avancer dans mes projets, conceptualiser, concevoir, mettre en danse, mettre sur pied. C’est agir, me mettre en mouvement, avancer. C’est comme cela que je prends soin de moi mais je suis un peu trop souvent freinée par cette fatigue invalidante.

J’entends souvent « Oui mais tu fais trop ». Primo, c’est un jugement alors c’est pas cool. Trop par rapport à qui, à quoi ? Secundo, il est grand temps que les idées préconçues de mes proches évoluent, je ne bouge pas de chez moi à part pour mes rendez-vous médicaux ou le Reiki, je vis calmement, j’écris beaucoup, je crée ma plateforme. Quand le coup de barre débarque, je suis bonne à rien et je passe des après-midis entières dans mon lit mais le sommeil ne vient pas. Quand j’ai 2 à 3 autres engagements dans la semaine (un zoom, une interview, un lunch), je panique parce que j’ai peur que mon corps ne suive pas alors je reporte parfois. Je me couche hyper tôt (malheureusement réveillée à 5h30, ça va encore je trouve…), je fais ma petite balade journalière. Non, ce n’est pas trop.

Ça m’emmerde en fait d’entendre encore et encore que je dois me reposer. Je pense que je ne dirai plus jamais à une personne malade qui se repose déjà plus qu’elle ne l’aimerait, de se reposer davantage. C’est un peu dur en fait, parce que tout ce qu’elle aimerait, c’est arrêter de devoir se reposer non-stop et être capable de reprendre une vie normale. Il va de soi qu’après l’opération du 30 mars, ce sera le repos absolu, évidemment.

Se connaître, s’écouter, se ménager, vivre avec, prendre sur soi mais surtout accueillir et accepter mais parfois ça fait chier et ça fait juste du bien de le dire. D’ailleurs, rien que de le dire, ça passe déjà !

Lire la lettre jusqu’au bout…

Ma chère Hormono,

 Je sais que tu m’épargnes vachement par rapport à d’autres femmes mais je t’accuse quand même ouvertement, haut et fort, de tous mes maux… à tort, je le sais très bien.

 Je te prends en grippe. Je te hais mais tu es mon alliée. Tu t’en prends plein la gueule, je sais et je m’en excuse. Tu me protèges mais je te déteste. T’es mon amie mais ma pire ennemie. Nous avons une relation étrange et cela me fatigue.

 Petite pilule aux grandes promesses, quand tu me glisses des doigts et atterrit sous mon frigo, je te laisse bien là et je te dis “Pas de chance ma cocotte, je peux pas déplacer le frigo (ou autre objet lourd) à cause de mon opération, fallait pas me glisser des doigts”. Ça me donne une espèce de sensation de contrôler la maladie et ma vie. Ça me procure une satisfaction de te dire « Aujourd’hui, tu me fais chier, je te dis non ».

 Ah toi hormonothérapie, traitement anti-cancer systémique qui nous “mal”traite. Nous avons tellement de chance de pouvoir bénéficier de toi mais que pensez de cette chance quand elle se transforme en véritable calvaire pour certaines ? Est-ce qu’on peut vraiment encore parler de chance. Le sujet est très complexe. Et là, j’avoue que je parle au nom des femmes qui se chopent la liste complète de tes effets secondaires même si elles sont loin d’être une majorité. 

 Si tu savais comme je suis entrée en résistance au début. Je disais et j’écrivais dès que je pouvais aux femmes tétanisées par toi que ce serait formidable que tu sois leur meilleure amie pendant 10 ans. Je leur affirmais que tu ne me donnais aucun effet secondaire et que tout se passait bien pour 30 pourcent des femmes. C’est comme si je voulais faire disparaître cette espèce de haine mondiale qui s’abat sur toi. Je trouvais que ce n’était pas juste qu’on s’en prenne à toi de la sorte. J’encourageais les femmes à ne pas te diaboliser. Je te défendais tout le temps et je prenais sans cesse le contre-pied pour rassurer, donner espoir, minimiser les angoisses d’anticipation. Mais je tiens à dire que je n’ai jamais jugé qui que ce soit d’avoir refusé ou arrêté de t’avaler, c’est un choix déjà assez difficile comme ça, alors personne n’a à juger !

 Je fermais les yeux sur certains symptômes, tantôt nouveaux, tantôt familiers. Je me focalisais sur mes projets et la vue de ta petite tablette ne me dérangeait pas. Mais t’es quand même un peu sournoise… tes effets s’installent petit à petit. Pas cool de m’avoir donné de faux espoirs, franchement pas cool du tout. Ce qui est dur, c’est que personne ne peut voir de l’extérieur les dégâts que tu provoques, on les vit avec beaucoup de solitude. La famille est rassurée, on est bien soignée, les chimios sont derrière nous, les cheveux ont repoussé même si les jolies boucles du début ont déjà laissé place à un cheveu moins beau qu’avant le cancer et qui chute plus qu’il ne devrait – à cause de toi. On a su rebondir, on est forte, on a su prendre notre destin en main et le plus dur est derrière nous. 

 Mais la réalité est différente. En fait, on a un ras-le-bol thérapeutique GÉNÉRAL. On en a ras-le-bol de t’avaler parce que même si tu nous protèges, tu nous rappelles sans cesse qu’on a une épée de Damoclès. Vraiment ras-le-bol, on a envie de passer à autre chose.

 Voilà paf, ça devait sortir. Maintenant quelques mots doux pour toi, chère Hormono… Je réalise bien que tu nous protèges comme tu peux. Je réalise bien que tu rêverais de passer inaperçue dans nos vies. Je réalise bien que ça ne te fait pas plaisir de capter tous nos œstrogènes alors que tu sais que nous en avons tant besoin, mais voilà… tu fais comme tu peux mais nous aussi. Ne nous en veux pas de ne pas t’apprécier davantage. Et puis et surtout, je réalise que tu n’as pas un rôle facile car on te rend bien souvent responsable de tous nos maux mais on ne sait pas très bien en fait si c’est à toi que revient toute la responsabilité. Tes cousines « chimio, rayons, ablation(s), reconstruction » sont très certainement « en partie » responsables de nos maux mais on n’a plus d’action sur elles alors on s’en prend à toi.

 Ceci dit, sans vous toutes, nous ne serions pas en vie alors je te dis un grand MERCI.

 Pour le moment, je compose avec la fatigue que toi et tes cousines m’envoient pour tenter de ne pas la subir. Si j’ai pris ma plume aujourd’hui, c’est pour évacuer ce trop-plein de colère, justifiée et injustifiée, que j’éprouve parfois à ton égard. Je désire la transformer en une énergie positive qui me fait explorer toutes les alternatives thérapeutiques, compléments et traitements parallèles pour te, enfin vous, toi et tes cousines, gérer au mieux.

 Allez, viens-là, un gros hug… je ne sais pas encore si nous ferons route ensemble pendant 2 ans, 3 ans… 10 ans, l’avenir nous le dira mais essaie quand même de te faire la plus discrète possible…

Happy ending

Vous me connaissez, fallait quand même que je termine sur une deuxième note positive :  Une chose est sûre, nous aurons appris à lutter, à encaisser, à être courageuse et résiliente, à ne pas être passive, à nous connaître, à nous défendre, à faire des choix difficiles, à découvrir notre force et nos ressources qui sont des alliées déterminantes dans l’affront d’une telle épreuve et ça, c’est tout juste génial.

Une lettre de remerciement ? Non, vraiment pas… pas maintenant. On verra un peu plus tard…

La vie est un combat. La joie l’est aussi. Et vous, qu’en pensez-vous ?

Quelques kifs qui ont le pouvoir de faire oublier les coups de gueule…

  • Les canards sont de retour, je vous montre déjà le mâle. Après les super princesses et les super guerrières, il y a les super canards, ils marchent sur l’eau ! Si tout se passe bien, je serai de nouveau grand-mère de 9 à 12 canetons en juin. Petit souvenir de l’année dernière ! (photos ci-dessous)
  • Les femmes de mon groupe de soutien sont extraordinaires, je suis scotchée tous les jours par leur courage et leur positivisme. C’est un cadeau de les avoir rencontrées. 
  • La plateforme est en ligne, je vous la présenterai la prochaine fois.
  • Le podcast fait son petit bonhomme de chemin, pas assez d’énergie pour le démarrer. J’ai reçu mon matériel hier, trop cool ces micros, ça me donne l’impression d’être journaliste et que je vais interviewer des stars 😜
  • Les premières pâquerettes sont sorties du sol et je savoure comme vous n’avez même pas idée les journées qui se rallongent. J’adore ça ! 

Lots of love à tous et à toutes, Delph

2 Comments
  1. Merci Delphine pour ta bonne humeur malgré les circonstances. On est une race à part… mais on vit et on a le droit de rendre cette vie la meilleure possible. Quand on a la chance d’être résiliente, on ne mesure pas sa chance…par la grâce de je ne sais qui, j’en suis et ça m’a permis de tenir pendant 28 ans, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête mais je l’emm…!

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