Ma chère Christine,
Nous devions enregistrer un podcast avant hier et à la place, je vais t’adresser ces quelques mots…
J’aurais pu t’écrire une lettre que je ne partage pas sur la toile, ou uniquement avec ton mari et tes fils que j’ai rencontrés pour la première fois dimanche, mais j’ai un besoin incompressible de te dire merci “publiquement”. Tu ne vivais pas cachée dans ton coin alors je ne vais pas rester cachée dans mon coin, tu voulais changer le monde alors je vais honorer cela et en parler haut et fort, tu voulais révolutionner la manière d’annoncer un cancer au patient, alors tu mérites un merci public et une grande standing ovation. Je veux qu’un maximum de personnes découvrent ton précieux travail. Ton travail qui ne se cantonne pas au cancer uniquement, il est bien plus large. Tu nous parles d’espoir, de croyance, d’optimisme, de manière de voir la vie et nous avons beaucoup à apprendre de toi. Tu nous dis, comme Albert Einstein, que tout commence par une croyance.
La plus grande force du corps humain est sa capacité d’auto-guérison, mais cette force n’est pas indépendante de notre système de croyances. Tout commence par une croyance.
Albert Einstein
On t’a annoncé 12 mois à vivre… il y a 5 ans. De NOMBREUX médecins t’ont annoncé 12 mois à vivre… il y a 5 ans. Un parmi eux, sommité dans son domaine, t’annonçait même moins que ça. Il a bien insisté plutôt deux fois qu’une sur cette triste réalité pour être sûr que toi et ton mari intégriez bien cette idée, comme si elle était inéluctable. En d’autres termes, que tu puisses noter dans ton agenda à la date de dans neuf mois : aujourd’hui, je serai MORTE. Rien à cirer de peut-être froisser ce grand ponte, je veux juste raconter. Raconter qu’ils se sont tous trompés. Trompés sur toute la ligne. Heureusement que tu ne les as pas crus, heureusement que tu as rencontré un autre médecin qui t’a parlé d’espoir, qui t’a parlé d’incertitude, qui t’a dit que les chances de survie étaient maigres mais qu’elles existaient quand même. « Quel baume au cœur », ce sont les mots que tu as utilisés, et non, ce n’était pas un mensonge, ni un « faux » espoir. Un espoir est par définition une hypothèse sans certitude concernant l’issue. Il y a donc des chances que l’événement espéré se produise ou bien qu’il ne se produise pas. Un espoir ne peut donc être faux. Tu as pu profiter de 5 belles années, et quand il s’agit de jours à vivre avec un diagnostic aussi trash, chaque jour est un cadeau inestimable. Chaque jour compte. Parce que je pense réellement que la mort, la nôtre à venir ou celle des autres, est véritablement l’événement par excellence qui nous fasse si bien réaliser la valeur de la vie. Quel cruel contraste. Je me dis que c’est bien dommage qu’il faille attendre d’être confronté à sa propre finitude ou à celle de ses proches pour en prendre conscience. Tu le disais et le redisais “C’est ici et maintenant, ce n’est pas demain, ce n’est pas le jour où…”
Voilà 4 jours que tu nous as quittés… Non mais c’est quoi cette manière de dire les choses ?! Comme si tu nous avais abandonnés. Je ne sais pas comment on dit, je ne sais rien. Tu nous as quittés, tu es partie, tu t’en es allée, comment dire, tu n’es plus là, tu as rejoint les étoiles, tu reposes en paix, tu brilles dans le ciel. Je ne sais pas où tu es. Je ne sais pas en quoi je crois. Je ne sais pas en quoi j’ai envie de croire. Je ne sais pas s’il y a un après et parfois je me torture la cervelle pour essayer de ressentir quelque chose, de trouver une vérité. Je demande aussi aux autres ce en quoi ils croient pour me rassurer, pour essayer de trouver une réponse. On ne se saura jamais. Je ne sais tout simplement rien. Je ne sais pas ce que tu ressens maintenant. Je me demande si tu nous vois, si tu nous entends, si tu réalises le vide abyssal que tu laisses et pourtant ce vide est plein de tes sourires, de souvenirs formidables, de ton exemplarité, de ta résilience, de cette fin de vie que tu as vécue à fond les ballons, de tout ce travail magnifique que tu laisses et qui reste encore à découvrir. J’espère du fond du cœur pouvoir y contribuer encore parce qu’on avait pas du tout fini toi et moi, on avait encore plein de projets à concrétiser.
Nous avons été très proches ces derniers mois, je t’ai dit combien je t’admirais mais j’ai encore besoin de te le dire haut et fort. Il y a de ces personnes qui nous transforment à vie et tu en fais partie. A l’annonce de ma maladie, j’ai reçu un nombre incalculable de personnes à contacter, médecins, super médecins, guérisseurs, gurus, super gurus, personnes spécialisées en médecine parallèle, psychologue, LA personne qui allait me guérir et j’en passe. Et puis dans la liste, y avait toi : Christine Destexhe. Une malade comme moi, pas quelqu’un qui allait me guérir, une malade, tout simplement. Eh bien aujourd’hui, je peux dire que tu as guéri des petites parties de moi. Tu étais une personne qu’il fallait absolument rencontrer. Merci Raphaëlle, merci Sibylle de me l’avoir présentée. Il fallait effectivement absolument te rencontrer. Comme toi, j’ai cru jusqu’au bout que tu allais guérir. J’y ai cru dur comme fer. Faut une sacrée dose de croyance pour défier la médecine et vivre 5 ans alors qu’on vous annonce que vous ne passerez pas l’année. Parce que c’était cela ton message et la façon dont tu as nommé ta conférence. Croire en la vie. Non mais, arrêtons-nous un instant pour décortiquer ces 4 mots. Croire. En. La. Vie.
J’ai eu la faiblesse de croire que tu étais immortelle, éternelle. Du déni ? Oui complètement. On ne devrait pas être séparé de ceux qu’on aime. Je déteste la mort. Je la déteste au plus haut point. Même si ton départ est terriblement douloureux, j’ai envie de continuer à faire connaître ton travail. Nous avions plein de projets et plein d’idées pour faire bouger les choses et notamment ce podcast auquel tu tenais dur comme fer. La vie nous a envoyé quelques obstacles, un petit séjour aux urgences pour toi qui nous a empêchées d’enregistrer le 8 novembre, puis un départ outre-Atlantique pour moi le 9 novembre et nous avons réussi à trouver LA date magique entre mon retour des US et mon séjour d’une semaine à l’hôpital. Tout était minuté pile poil. C’était si important pour toi de vite vite enregistrer.
- Toi : « Tu liras bien toutes mes textes dans l’avion, j’ai indiqué tout ce dont je veux absolument parler, je surlignerai en jaune les mots clés comme cela, ça reste bien spontané. »
- Moi : « Oui, oui, je prendrai connaissance de tout et oui, oui, place au spontané et à la conversation cœur à cœur pour toucher les cœurs. Je me réjouis de te voir dimanche, je viendrai avec des provisions pour que Cédric puisse un peu souffler côté cuisine. »
Pas de podcast avec toi mais de magnifiques textes en souvenir, et cette capsule vidéo sur le thème de l’annonce de la maladie à laquelle tu tenais tant et que tu as enregistrée pour le corps médical et qui, je l’espère, sera intégrée au cursus de formation des médecins comme c’était prévu. Pas de podcast avec toi ce dimanche donc, mais la rencontre de ta famille formidable.
J’ai envie de relater quelques souvenirs qui me font sourire… Tu es venue déjeuner il y a un mois… enfin nos déjeuners se transformaient plutôt en après-midi complètes tant on construisait nos projets en parlant, les idées venaient, c’était comme les geysers du Yellowstone. Tu étais déjà épuisée par ton pneumothorax et les métastases qui avaient envahi tes poumons mais surtout très embêtée par cette foutue machine à oxygène que tu trainais partout pour pouvoir respirer. “Ras-le-bol de ce truc et je déteste inspirer la pitié”. Je t’avais suppliée de venir les mains vides, eh bien non, tu as tenu à cueillir les poires de ton jardin et préparer une délicieuse tarte. Je te vois encore, ton appareil a oxygène qui faisait un potin d’enfer d’une main et la tarte de l’autre avec un sourire jusqu’aux oreilles. C’était ça notre Christine.
Je me souviendrai toujours de cette conférence extraordinaire que tu as donnée pour Amalou, tu as commencé comme ceci : « Imaginez une jolie corbeille de fruits… Quand on a découvert mon cancer à 48 ans, j’étais en méga forme, je mangeais sainement, je vivais sainement, j’avais une super famille, j’avais une pêche d’enfer, voilà déjà la premier fruit… et on m’a découvert un pamplemousse dans l’utérus, des abricots dans le foie, des cerises dans les poumons » et j’en passe… Toujours de l’humour dans le tragique, toujours ce sourire et cette foi en la vie… le choc, 12 mois à vivre, mais tu as décidé de croire, de croire en la vie et de te focaliser sur ta guérison. Tu nous disais ce jour-là :
Faire le choix de la guérison : on n’a rien à perdre, tout à gagner. Après le diagnostic, une amie m’a dit :
- Soit tu crois au pronostic médical, tu te focalises dessus : … alors tu sombres.
- Soit tu te focalises sur ta guérison : … alors chaque jour que tu vis sera une journée d’espoir … et donc une belle journée de plus dans ta vie.
Quelle que soit l’issue de ta maladie, la seconde option aura rendu ta vie plus belle. Tu n’auras rien perdu, mais tout gagné.
Je garde également un souvenir précieux de ta présence à la conférence que j’ai donnée pour la sortie de mon livre. Tu es d’ailleurs restée la dernière alors que tu étais en pleine chimio. Petit choc quand même aujourd’hui en recherchant une photo de nous deux pour ce post, et un certain malaise aussi. C’est toi qui tiens mon livre “Cancer ! je gère ?”, je ressens ces trois mots comme une agression. Si vous saviez comme j’ai de la colère quand j’entends tous ces départs de personnes jeunes emportées par la maladie. Cancer, je gère, qu’est-ce que je le hais ce titre par moments. Il m’arrive même dans des moments d’impulsivité, de vouloir me rendre dans tous les magasins de France, de Belgique, de Suisse, … dans les hangars interminables du géant du livre pour aller récupérer tous mes exemplaires et ajouter des nuances. Peut-être que la solution est un tome 2 ? Tu l’as géré ton cancer ma Christine. Tu as continué à te battre comme une lionne jusqu’au bout et si tout se passe comme tu l’avais prévu, tu vas probablement avoir un impact extraordinaire auprès des futurs médecins et, par conséquent, des patients, de leurs familles et de leurs proches. Une révolution. Et puis un autre souvenir de cette conférence, tu es la première à avoir posé une question “Delphine, que conseilles-tu comme aide psychologique pour le post-cancer ?” Encore une preuve que ces 12 mois à vivre, tu n’en avais rien à faire, tu croyais en la vie, en ton post-cancer, et ça t’a portée pendant 5 ans. Enfin que dis-je ? 20 ans vécus en 5 !
Encore quelques souvenirs des tous derniers jours… pendant nos visios des US, je te revois peindre une énorme toile abstraite pour ta cuisine alors que tu avais du mal à respirer. Tu voulais aller au bout des choses, tu ne lâchais rien. Je ne te cache pas que je rêvais de te dire “Christine, stop repose-toi, lâche prise” mais tu étais soucieuse de tout préparer au cas où… tu te tracassais de partir à des dates clés, des anniversaires, Noël, le départ de ton fils pour Hong Kong, … encore et encore tu étais soucieuse des autres. Quelle générosité de cœur.
Encore un petit souvenir, tu ne pouvais plus dormir couchée les dernières semaines sinon tu étouffais. Personnellement je trouvais cela atroce mais toi, tu trouvais des moyens, des stratagèmes pour que ça se passe au mieux, tu ne te plaignais pas du tout et tu m’as même dit “Rooo mais Delphine, je fais de magnifiques rêves.”
Christine, quelle chance j’ai eue de t’avoir rencontrée. Je ne sais toujours pas où tu es mais je t’avoue que hier, je me suis allongée sur mon lit en pensant à toi, les larmes coulaient et un rayon de soleil est venu percer le ciel de plomb et se glisser par un entrebâillement de rideaux et illuminer mon visage. C’était magique et improbable tant il faisait gris. C’est peut-être un peu enfantin et naïf mais je me suis dit que tu n’étais pas bien loin et que tu veillais sur Cédric et tes enfants. Comme l’écrivait si bien Cédric, je pense que tu seras à nos côtés pour le chemin que nous tracerons. Vrai ou non, je n’en sais rien mais j’ai envie d’y croire.
Et je terminerai par un petit mot pour Cédric, ton formidable mari. J’en ai rencontré des accompagnants dans le cadre de mes activités, il est important de réaliser que c’est terriblement difficile et douloureux pour eux. Les malades sont dans l’action, dans le combat, ils luttent contre notre maladie, ils reçoivent souvent un paquet d’amour et de soutien mais l’accompagnant est souvent oublié avec cette sensation terrible d’impuissance alors que c’est une personne clé. Ne les oublions pas car ils ont autant besoin de réconfort et de soutien que les malades.
Je t’embrasse fort. Tu me manques. Tu nous manques.
Delphine
Rhooo comme cet hommage est bien écrit pour notre chère Christine qui nous manque tant 😭 merci pour elle.
Oh je sais que tu l’aimais tant. Merci pour tes gentils mots, gros bisous à toi chère Raphaëlle.
Quel beau témoignage… je suis bouleversée et en même temps très reconnaissante de ce que tu nous écris. Quelle belle amie ce devait être! Je t’embrasse… et je l’embrasse aussi, où qu’elle soit🙏
Oh merci de tout coeur pour ce gentil message! Tu aurais adoré notre Christine! Plein de bisous à toi.
Quel bel hommage pour 1 magnifique combat d une très belle personne! Merci à toutes les 2
Merci de tout coeur !
C est très beau … Merci
Merci à vous, énormes bisous.
Merci Delphine pour ce beau partage. C’est tellement injuste. Merci beaucoup, aussi pour la prsonne que tu es.
Oh merci de tout coeur pour ces gentils mots!
Merci beaucoup pour ton partage émouvant et vibrant en souvenir de Christine. Ton texte est un magnifique témoignage d elle et de votre amitié. Quelle force de vivre et quelle résilience. 💕
Merci à toi d’avoir pris le temps de laisser un commentaire. Ah notre Christine, tu l’aurais adorée. Gros gros bisous et j’espère que tout se passe à merveille pour toi!
Splendide hommage !! Merci Delphine !
Merci à toi!
Bravo Delphine pour ton témoignage,vous avez eu beaucoup de chance de vous rencontrer
Une chance inestimable! Gros bisous et merci de tout coeur.
Excellent texte, Delphine! Merci pour ton témoignage à notre Christine adorée!
Merci de tout coeur.
Tu es extra dans ce récit
Courage pour passer le cap de son départ mais elle sera tjs dans ton Cœur de battante !
A
Très bientôt j’espère 😘😘😘
Merci mon cher Alex!