Pour la chronologie, j’ai écrit ce poste dimanche dernier mais je n’ai pas eu le temps de le terminer. Je suis rentrée depuis une semaine de Houston et j’ai déjà eu ma première chimio, je la réserve pour un autre blog dès que j’aurai repris des forces parce que oulalalala, c’est pas la pêche…
Me voilà à bord d’un géant A380 en route vers Francfort, puis Bruxelles. Y a jamais eu de direct pour Houston, c’est vraiment une longue trotte mais perso j’adore les avions. Je vais corriger parce que c’est pas tout à fait vrai, j’adore les avions qui vont à Houston, je n’aime pas ceux qui rentrent en Belgique. Le vol vers Houston est de jour donc j’ai toujours la pêche et je suis surexcitée de partir, j’en profite toujours pour écrire mes blogs de nutri et psycho et terminer toutes les choses que j’ai éternellement reportées au lendemain, j’adore. Le vol de retour, en revanche, c’est la nuit. Alors non seulement j’ai un blues pas possible de rentrer (ça passe généralement en 48 heures) mais je passe 11 heures à bouger dans tous les sens pour désespérément trouver LA position pour m’endormir, mais je ne l’ai JAMAIS trouvée. Les vols de retour sont longs et pénibles psychologiquement et physiquement.
Il fut un temps où Didier passait sa vie dans les avions pour le boulot et grâce à ses centaines d’heures de vol et ses milliers de miles, on nous flanquait tous les 4 systématiquement à l’avant de l’avion et on nous traitait comme des princes, on n’avait même pas le choix. Ce n’était franchement pas désagréable et malheureusement on prend très très vite de mauvaises habitudes. Ce temps est révolu depuis 5 ans. Même si je vole toujours gratuitement (en éco !) grâce aux miles accumulés de Didier, j’ai décidé de faire une exception pour ce retour et de griller un peu plus de miles (et par conséquent faire diminuer la réserve) pour m’offrir une petite place à l’avant.
If not now, then when ? La raison : il faut vraiment que je dorme pour être en forme pour ma chimio. Il ne faut vraiment pas que tous les bénéfices de cette semaine (= repos total et moral d’acier) s’envolent en fumée. Parce que tout à coup, je sentais que je devais être « raisonnable » et que maman avait raison, ce n’était pas la meilleure idée de la terre de rentrer 48 heures avant l’installation du PICC line donc il fallait que je sois vraiment vraiment en forme car tout allait s’enchaîner de manière hyper rapprochée (programme de la semaine plus bas). Je me suis dit qu’avec une bonne nuit au-dessus de l’Atlantique, la fatigue se ferait moins sentir. J’aurais aimé écrire « Tout va aller comme sur des roulettes » mais je ne vous cache pas que ce retour est vraiment difficile, je suis heureuse de revoir Didier et les boys, mais je n’aspire pas du tout à ce qui m’attend.
A Houston, c’est comme si j’avais arrêté le temps et que tout ce que j’avais vécu depuis le 11 juin faisait partie du passé et que je pouvais passer à autre chose. Je me suis même demandé si ça relevait du déni ou simplement du fait d’être si heureuse d’être là et de profiter de l’évasion pour vivre (en exponentiel 10,000) chaque petit instant de bonheur.
Cette semaine m’a apporté tant de choses. Tant de choses extraordinaires. Une bouffée d’oxygène. Un changement de cadre. Une évasion qui a brisé la lourdeur de ma routine. Des sensations et des moments intenses avec des gens que j’aime et qui me manquent tant. Des sensations et des moments intenses dans des endroits que j’aime tant. Le plaisir des odeurs, de la chaleur, des bruits, des voix qui m’ont bercée pendant 11 ans. L’impression d’être à nouveau une personne normale. Une femme normale. Cette semaine m’a donné la chance d’oublier mon cancer. Littéralement l’oublier la plupart du temps. J’ai passé des journée entières, des nuits entières sans même y penser. C’est comme si ce mot ne faisait même plus partie de mon langage. Vous ne réalisez peut-être pas ce que cela signifie pour moi mais je suis sûre que vous pouvez imaginer en prenant un exemple personnel de quelque chose de dur/pénible/triste/omniprésent que vous auriez tellement rêvé faire disparaître de votre tête. Je pause avec une belle photo pour que vous réfléchissiez…

Cette semaine au bout du monde, dans un cadre que j’aime m’a donné cette chance immense d’oublier que la route serait longue. Elle m’a donné la chance de vivre intensément chaque instant. Quelle chance extraordinaire. C’est fou qu’il faille parfois traverser des moments douloureux pour apprécier d’autant plus la chance que l’on a et à quel point le bonheur se trouve partout. Ce cancer me fait apprécier ces petits moments de bonheur plus que jamais. Tout est intensifié, tout est hyper sensible.
Je vais essayer de la faire courte pour décrire les derniers jours au Texas avant de vous expliquer le programme de la semaine.
Mon deuxième rendez-vous pour les perruques était formidable. J’ai été accueillie par une vraie Texane avec bottes de cowboy et jupe a froufrou. Elle a passé deux heures avec moi, elle était d’une gentillesse et d’un professionnalisme exceptionnels. J’en ai enfilé un paquet pour enfin comprendre que toutes les perruques aux cheveux naturels qu’elle m’installait sur la tête étaient faites à partir de cheveux d’Indiens ou de Chinois. Des cheveux splendides mais y a rien à faire, ça ne colle pas avec les Européennes. Je comprends mieux pourquoi la nana de ‘Toujours Belle’ avait dit qu’elle travaillait avec des cheveux de Hollandaises. C’est un chouette moment et ça m’a permis de mieux comprendre et donc d’aiguiller mes choix pour la suite.
Photo de dos, la photo de face est épouvantable…

J’ai reçu une session de gym avec un personal trainer que je connais bien. C’était fantastique ! Il connaissait très bien tous les exercices à faire pour travailler l’amplitude des mouvements du bras. Le fameux bras qui trinque à cause du retrait des ganglions sentinelles. J’ai quasi récupéré toute l’amplitude, j’étais ravie. J’aurais rêvé pouvoir faire trempette dans la piscine pour continuer les exercices mais niet niet de Docteur Derek. Cicatrice de la mastectomie trop fraîche. Et puis ce sera un niet complet avec le PICC line dans le bras pour 6 mois. Mais en revanche une belle excuse pour éviter la baignade en Bretagne à 16 degrés. No way !
Y avait plein de bimbos aux seins refaits à la gym, ça faisait un peu ‘contraste’ mais j’étais toute fière de mon unique sein et surtout de ce que l’absence de l’autre signifiait. C’est mon histoire, ma force, mon courage comme Didier dit si bien.


Jeudi et vendredi, j’ai flâné. Qui flâne encore dans cette société où tout va vite ? Évidemment que je me demande encore le pourquoi de tout ça, évidemment que je me demande encore si ma vie d’avant à du 2000 à l’heure est la source de tout ça, évidemment que je me dis encore par moments que je suis responsable et que le prix à payer est cher pour comprendre l’importance de prendre du temps pour soi et de se sentir à tout moment alignée (je réserve ce sujet si important de l’alignement et je rajouterai un chapitre sur la joie). On ne saura jamais. Il y a un terrain familial aussi, mais même si je ne saurai jamais, j’en retire des enseignements. J’ai encore du chemin à faire, Xavier va m’aider.
J’ai flâné au bord de la piscine, j’ai fait des petites courses pour ramener plein de surprises aux kids et à maman, et je voulais encore m’acheter quelques petites choses symboliques qui viennent d’endroits que j’aime. C’est fou, c’est comme si j’avais besoin d’un tas de doudous pour la longue route de la chimio… Deux beaux foulards de chez Kuhl and Linscomb, des pyjamas tout doux et un peu mignons de chez Gap, une couverture de chimio de chez Crate and Barrel, une chemise féminine et un peu chaude pour ma chimio.
Et pour les kids, des chouettes vêtements pour Willy, Alex refuse que je lui ramène quoi que ce soit sinon ça vole aux Petits Riens. Et leur fameuse commandes de Chex Mix, Gold Fish, Chili Cheetos and Pink Lemonade. Tous les biscuits secs sont parfaits pour les nausées pendant la chimio (je vous en parlerai dans mon poste sur la première chimio…). Et comme à chaque voyage, du elephant garlic pour maman qu’elle replante et qui fait des fleurs splendides, ainsi que plein d’oléagineux aux épices que nous n’avons pas chez nous.



Retrouvailles avec Camille samedi ! Bonheur absolu. Comme je vous l’avais expliqué dans le poste (La Bande des 5 et Les Drôles de Dames), j’ai rencontré Camille et Laetitia (malheureusement encore en France pendant mon séjour) il y a 20 ans lors de notre première expatriation. Nous avons toutes quitté Houston, Camille est allée à Paris, Laeti à Calgary et nous à Bruxelles et nous nous sommes toutes les 3 retrouvées à Houston quelques années plus tard. C’était totalement improbable ! Notre pacte = un voyage par an à nous trois tant qu’on tient sur nos jambes ! On a skippé deux ans et on s’est promis de le faire cet été aux US ou en France. On adore toutes les trois l’iode et l’air de la mer. Elles me manquent terriblement, c’est très difficile par moments et plus particulièrement depuis l’annonce du cancer.
J’étais plombée samedi soir, la veille du départ mais heureusement que je m’étais prévu une petite soirée chez Uptown Sushi, c’était très sympa et ça m’a fait oublier le chagrin. L’ami à l’hameçon m’a conduite à l’aéroport dimanche et a respecté mon besoin de silence durant la première partie de la route.
Bye bye Houston, see you in 7 to 8 months, hello Belgium !
En deux mots…
Mardi aprèm :
J’ai eu la visite de Virginie qui est venue me présenter des perruques, elles étaient magnifiques, j’ai fait une sélection et elle revient avec les bonnes couleurs à mon retour de Bretagne. Je ne prendrai que si j’aime vraiment, je trouve que les foulards sont si jolis. Puis visite rapido chez l’osthéo pour Willy qui était bloqué du dos. C’était sympa de revoir mes collègues du cabinet médical.



Mercredi matin : Salle d’op pour le PICC line. C’est par là que les chimios sont injectées.


Ça s’est super bien passé. L’anesthésiste que je nomme Docteur « Gentillesse à l’État Pur » était d’une douceur extrême. Quelle chance j’ai d’être entourée par tant de douceur. C’est fou. Il y avait aussi deux infirmières adorables dont une qui avait eu un sale lymphome. Je vais l’appeler Nurse « Peps ». Elle a dégainé son Gsm et m’a tout montré pendant une heure, bref pendant tout le temps de l’intervention. Elle m’a même dit un moment que c’était comme de l’hypnose car je me concentrais sur son smartphone et non sur l’intervention. On a eu l’occasion de partager des choses très fortes, juste en quelques mots, nos vies avant-cancer, nos expériences du cancer, sa manière de voir la vie aujourd’hui. Je lui posais pas mal de questions sur les effets secondaires de sa chimio et elle répondait par « Joker » quand elle ne voulait pas me répondre pour ne pas me décourager, c’était trop mignon !
Ceci dit, j’ai quand même un petit mot à dire à propos des anesthésistes. Je trouve qu’ils sont formidables et tellement capitaux dans tout le processus mais ils restent complètement dans l’ombre. Ils passent leurs journées au -1 et ne voient pas la lumière du jour. On ne les revoit plus jamais pour les remercier, je trouve ça un peu triste. J’espère que quelqu’un pourra lui dire.
Nurse « Peps » a lancé un projet super que je vous invite à découvrir en vidéo. C’est incroyable. J’espère pouvoir les rejoindre l’année prochaine, ils ont prévu un trekking dans le désert. Ce serait le rêve. Je suis encore un peu KO pour m’impliquer, mais j’aimerais vraiment rejoindre leurs événements.
Jeudi aprèm :
J’ai rendu visite à Bastiaan et on en a profité pour faire quelques photos. Ca fait 3 ans qu’on travaille ensemble pour les photos de blog, à part que je vole de mes propres ailes maintenant pour les photos de nourriture. Il m’a tellement appris, enfin on va plutôt dire que je l’ai tellement observé à l’action. Je vous en partage deux ci-dessous. Il avait un parterre de fleurs sauvages, je suis complètement fana de ces parterres et je pense que je garderai un bac potager dans la nouvelle maison pour y jeter des graines de fleurs sauvages. Alors que je n’aime pas les fleurs rouges, j’adore les coquelicots et je sais que c’est un crime de les cueillir car ils fanent tout le suite, mais j’ai fait une exception pour en immortaliser un dans mes mains et dans les mains de son fils (plus haut). Le coquelicot est aussi le symbole de la Vie-là, cette maison à côté de l’hôpital Saint-Pierre qui accueille les femmes qui ont un cancer du sein. C’est un initiative extraordinaire et je me suis dit que c’était un signe que je devais franchir la porte tout bientôt. Je n’avais pas voulu jusqu’à présent car je préférais les one-on-one avec mes copines cancer.


Vendredi matin 9 heures :
La première des 16 chimios, encore un peu de patience pour le blog…
On est dimanche matin, nous sommes sur la route de Bretagne et je termine vite ce blog mais le suivant arrivera quand les foutues nausées et ce terrible état grippal se seront estompés, woww, je ne suis pas vraiment épargnée…


Lots of love from Normandy
XO
Delphine
Quel magnifique texte, que je suivrai sûrement. Quelle force intérieure incroyable et cette façon de positiver, une vraie leçon pour les gens qui s’enferment dans leur petits problèmes. Je suis vraiment impressionnée et ce n’est pas peu dire. C’est…beau.
J’espère que tu seras beaucoup lue, parce ce que tu transmets c’ est force, beauté intérieure, apaisement, courage, espoir. Je te souhaite vraiment de tout cœur que tous ces beaux sentiments te permettront de vivre cette période difficile en regardant la maladie dans les yeux et de la vaincre 😘
Merci ma chere Sophie pour ton message si touchant! Ca me va droit au coeur tu ne peux meme pas imaginer! Ecrire me fait un bien fou et je reve que ca puisse aider celles qui seront touchees par la maladie. J’espere que tout va bien chez toi, je vois passer des photos adorables de ta pupuce. Tout plein de bisous et ca me ferait plaisir de te revoir! Delphine
Hello Delphine ! Il y a si longtemps que je ne t’ai plus vue à Bruxelles mais Christophe vient de me faire découvrir ton blog oú tu partages ton expérience et je ne peut m’empêcher de te faire savoir toute mon admiration ! Bravo pour ton moral d’acier et plein d’encouragements pour la suite. Je suis de tout cœur avec toi ! Affectueusement . Renée Jousten
Bonjour Renée, Merci de tout coeur pour ton si gentil message! Ca me touche tres fort. Je serais très heureuse de vous revoir tous un de ces 4! Plein de kiss Delphine